UNE BETE SUR LA LUNE

Article publié dans la Lettre n° 181


UNE BETE SUR LA LUNE de Richard Kalinoski. Mise en scène Irina Brook avec Simon Abkarian, Corinne Jaber, Beppe Clerici.
Ce fut un long voyage que celui qu’Aram et Seta firent de la terre de leurs ancêtres à ce nouveau pays américain. Si Aram veut trou- ver dans ses portraits photographiques le visage du vrai américain, chez lui, il veut une épouse respectueuse des coutumes arméniennes. Aram a choisi sa femme sur photo. Grâce à ce choix, à ce mariage, Seta a eu la vie sauve. De sa famille massacrée, il ne lui reste qu’une poupée de chiffon qu’elle serre très fort. Ce viatique est tout son trésor, sa mémoire. Elle n’est plus une enfant mais pas encore une femme. Ses grands yeux noirs effarouchés portent le reflet du génocide auquel elle a échappé par miracle. Dans la salle à manger des Thomassian, trône une photo mutilée. Elle est l’icône d’Aram, lui, le survivant. Aram et Seta Thomassian, balancés au vent mauvais de l’histoire, échouent tant bien que mal sur la grève d’une nouvelle vie dans un nouveau pays. Ils vont essayer de s’aimer, de se comprendre, de fonder une famille, mais ne pourront jamais oublier, et l’apprentissage du bonheur est parfois très difficile.
En 1915, les autorités turques ordonnent l’arrestation et la déportation des arméniens. Ces mots en cachent un autre, le génocide. Il fut parfaitement organisé et méthodique. Les plus chanceux réussirent à s’exiler en France, aux U.S.A, en U.R.S.S. Richard Kalinoski a vécu sept ans avec une arménienne. Une bête sur la lune n’est pas une pièce politique ou militante. Au travers de la bouleversante histoire d’Aram et de Seta, Kalinoski nous parle d’amour, du mariage de deux êtres que l’on a voulu effacer. Le combat d’Aram, ses espoirs perdus, l’amour inassouvi de Seta, leur quête éperdue de bonheur, tout cela tend à un magnifique hymne à l’humanité. Irina Brook met en scène avec une infinie délicatesse ces personnages fragiles et durs comme du verre filé. Corinne Jaber est une Seta émouvante. En une heure et demie, elle passe, en finesse, de l'état d'enfant à celui d'une jeune femme. Lorsque l’on voit Simon Abkarian apparaître, on ne peut plus imaginer quelqu’un d’autre pour jouer Aram. Intransigeant, impatient, injuste aussi, il donne à son personnage une force contenue, douloureuse qui éclate dans une scène bouleversante. Théâtre de l’Oeuvre 9e (01.44.53.88.88).


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction