UNE BANALE HISTOIRE

Article publié dans la Lettre n° 322
du 7 février 2011


UNE BANALE HISTOIRE d’après la nouvelle éponyme d’Anton Tchekhov. Adaptation et mise en scène Marc Dugain avec Jean-Pierre Darroussin, Alice Carel, Gabrielle Forest, Michel Bompoil, Adrien Bretet.
Banale, cette histoire, mais triste aussi. Le vieux professeur de médecine Nicolaï Stepanovitch, affligé de pénibles insomnies qui le laissent sans force, perd le goût de la vie et se penche sur son passé. Marié et père d’une fille, il ne se sent en harmonie avec aucune des deux. Épouse et fille en prennent ombrage et supportent mal l’indifférence d’un époux et d’un père qui a le cœur ailleurs. Il a en effet regardé grandir en l’aimant plus que tout, Katia, la fille de son meilleur ami décédé et dont il est le tuteur. Il l’a regardée s’égarer et se perdre dans sa vie, sans rien pouvoir faire d’autre pour elle que lui délivrer des conseils qu’elle ne suit pas. Aujourd’hui aigri, repoussant élèves ou amis, il n’a plus d’yeux et d’oreilles que pour Katia. Liés par le sentiment étrange et équivoque qui les unit, ils se posent les mêmes questions, devenues sans réponse, sur l’amour, l’art, la science, en un mot, sur tout ce qui fait le sel de la vie et qu’ils ont manqué.
Une banale Histoire qu’il écrit en 1889, est loin d’être la dernière œuvre de Tchekhov, mais on sent déjà dans cette nouvelle finement adaptée et mise en scène par Marc Dugain, la plupart des thèmes, dont la désillusion de la vie, qui seront repris dans les œuvres ultérieures, Ivanov, Oncle Vania, La Mouette, Les trois Sœurs ou La Cerisaie. Sa formation de médecin le rapproche du professeur Stepanovitch, tout comme les prémices d’une maladie qui l’emportera quinze ans plus tard.
Dans un décor classique, intérieur impersonnel d’une certaine bourgeoisie russe, Jean-Pierre Darroussin incarne de toute son âme cet homme vieillissant et désespéré. Sa grande présence sur scène a l’art de ne pas évincer les autres comédiens, très justes, qui lui donnent la réplique.
Nous repartons encore imprégnés de l’accablante lassitude de ce personnage, si bien exprimée par Jean-Pierre Darroussin et admiratifs de constater à quel point Tchekhov avait déjà cerné l’âme humaine dans cette nouvelle, témoin lucide de son temps, posant sur son monde un regard sans concession. Théâtre de l’Atelier 18e.


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