UNE AUTRE VIE

Article publié dans la Lettre n° 332
du 14 novembre 2011

UNE AUTRE VIE de Brian Friel. Mise en scène Benoît Lavigne avec Marie Vincent et Roland Marchisio.
Une infinie toundra de solitude et d’isolement, c’est ce qui attend Sonia Sérébriakova et, sans doute aussi, André Prozorov, compagnons de deux soirées de confidences et de mensonges partagés. Elle est à Moscou, dans un café sans âme, pour tenter l’insoluble résolution des problèmes de gestion de son domaine. Violoniste, il revient de ce qu’il dit être la répétition générale de La Bohême de Puccini. Ils s’étaient rencontrés la veille en ce même lieu, ils vont renouer un dialogue truqué, fait de petites fables, de petites fictions, de vraies supercheries surtout. La vodka aidant, les vérités se font jour. La sordide réalité se dévoile pour cette héroïne de Tchékhov, désertée dans la mort par son Oncle Vania, épisodiquement retrouvée dans l’alcool par le médecin dont elle est incurablement éprise. Y aurait-il encore une issue à la désespérance avec ce doux et tendre maladroit d’André, époux trahi et père résigné ? Entre rires et indignations, élans et réticences, la nuit déroule les espoirs entrevus et le petit matin est en points de suspension.
Dans ce café délabré et miteux, sur fond d’agitation banalement populaire, Marie Vincent et Roland Marchisio confèrent à ces deux êtres sans présent ni avenir une tendresse amusée et une émotion vraiment convaincante. Comme chez Tchékhov, on frôle en permanence le tragique, sans jamais sombrer tout à fait dans le désespoir, parce que c’est cela justement la vie des gens ordinaires. On voudrait tellement y croire à ce bonheur simple. Un très beau moment de partage intime. Théâtre La Bruyère 9e. A.D.

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