UN
VISIBLE THEO
Article
publié dans la Lettre n° 244
UN VISIBLE THEO de Renaud Le Bas.
Mise en scène Frédéric Andrau avec Valérie Gabriel, Renaud Le Bas.
La première rentrée des classes est un jour important. Pas seulement
pour l’enfant, les parents sont aussi fébriles, n’hésitant pas pour
certains à prendre un congé. Théo a fait sa première journée d’école.
Ouf! Un exploit aux yeux de ses parents, un soulagement mêlé d’inquiétude
car Théo n’est pas un enfant comme les autres. Il a sept ans et
ne parle pas. La société et les classifications administratives
ont catalogué Théo, enfant handicapé, déficient mental. Un fardeau
pour ses parents. Claire est inquiète, elle voudrait savoir comment
la journée de Théo s’est déroulée dans cet établissement spécialisé.
Le cordon ombilical est coupé pour une deuxième fois. Massimo voudrait
respirer un peu et retrouver l’intimité.
Le théâtre français aborde très peu les problèmes de société. Le
handicap est presque tabou. En 1969, Un Jour dans la vie de Joe
Egg parlait de l’histoire d’un couple brisé par la naissance
d’un enfant anormal. D’autres pièces ont des personnages handicapés,
de l’autiste au paraplégique, appelant la performance de l’acteur.
Renaud Le Bas a écrit une pièce qui est un joyau de sensibilité.
Son écriture épurée, vive, nous fait entrer à pas feutrés dans l’intimité
de ce couple dont le jeune destin a basculé avec la naissance de
Théo. Par touches délicates, en demi-teintes, l’auteur aborde les
problèmes quotidiens que les parents doivent résoudre. Trouver des
établissements spécialisés susceptibles d’accueillir l’enfant, éviter
ceux qui sont des asiles d’un autre âge, la détresse de ces parents
dont la vie sociale est brisée car ils ne peuvent plus supporter
le regard des autres. Ils sont marginalisés, hors du temps, hors
du travail. Le cercle des amis se distend car l’enfant fait peur.
La pièce a une construction classique: unité de temps, de lieu et
d’action. Nous faisons une intrusion discrète et sans voyeurisme
dans la famille, de la rentrée des classes au couchage difficile
de Théo. La mise en scène est assurée par le talentueux Frédéric
Andrau (107 ans, Lettre 235), avec une sobriété de
bon aloi, misant sur la force délicate du texte et l’implication
du spectateur. On ne voit jamais Théo puisque Théo, c’est nous,
le public. Renaud Le Bas interprète le père, un homme qui se bat,
laissant éclater sa colère et son humour sans pathos, sans caricature.
Valérie Gabriel est une mère tendre, angoissée, culpabilisée, égarée.
Les comédiens sont magnifiques de pudeur, d’émotion, jonglant du
rire aux larmes. Ils sont des passeurs de ce texte qui permet de
regarder différemment la différence. Théâtre du Renard 4e.
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