UN
FIL A LA PATTE
Article
publié dans la Lettre n° 272
UN FIL A LA PATTE de Georges Feydeau.
Mise en scène Alain Sachs avec José Paul, Philippe Uchan, Jean-Marie
Lecoq, Jean-Pierre Malignon, Paul Bisciglia, Stéphane Cottin, Lysiane
Meis, Michèle Garcia, Caroline Maillard, Michel Lagueyrie, Isabelle
Cote.
Firmin, valet de chambre de Lucette, chanteuse de café-concert,
à fort à faire entre les coups de sonnette impatients et l'immariable
Marcelline, la sœur de Madame, pressée de passer à table. Il faut
dire que depuis deux semaines, rien ne tourne rond dans la maison.
Fernand, l’amant en titre, ne donne plus signe de vie. Mais contre
toute attente, Lucette sort de sa chambre folle de joie avec une
nouvelle de choix : Cette nuit, l’amour de sa vie lui a fait une
surprise: « il est revenu ». Cela dit, si Fernand de Bois d’Enghein
a réapparu, ce n’est pas pour rester mais pour rompre, car il signe
ce soir même son contrat de mariage avec Viviane Duverger, qui apporte
dans sa corbeille la fortune qu'il n'a pas. L'union est d'ailleurs
dûment annoncée dans un journal bien difficile à subtiliser. Les
visites se succèdent. « Monsieur, le père de l’enfant de Madame »
arrive pour déjeuner en bon pique assiette tout comme Ignace de
Fontanet, l'homme à l'haleine fétide! On livre un énorme bouquet,
jouet de toutes les ruses. Bouzin, clerc de notaire et littérateur
à ses heures, se présente avec une chanson ridicule, de son cru.
Madame Duverger, quant à elle, vient demander à Lucette d’animer
la soirée du contrat de mariage de sa fille, ignorant tout de la
liaison de son futur gendre. C’est alors qu’un certain Irrigua,
général sud-américain, amoureux fou de Lucette, fait une apparition
aussi empressée que fracassante, armé d'un bracelet en diamants.
Une chance à saisir pour Fernand qui ne sait comment rompre le fil
attaché à sa patte.
Le nombre et l'importance des personnages comptent pour beaucoup
dans la réussite des pièces de Feydeau. Chacun d’eux, remarquablement
cerné, crée à lui seul une suite de situations inextricables, propices
aux quiproquos et aux rebondissements. L’auteur reste un incomparable
observateur de ses contemporains dont il croquait les défauts sans
méchanceté et avec beaucoup de malice. Il était aussi un maître
de la langue française dont il savait exploiter la complexité avec
humour et intelligence. C'est ainsi que le pauvre Irrigua ne comprendra
jamais pourquoi le "c" de scandale se prononce alors que celui de
sceptique reste ignoré! Quel dommage que la déraison l’ait emporté
sur la raison, chez cet auteur de génie, dans la force de l’âge
et de la création. Alain Sachs est le metteur en scène par excellence
de ce genre. Il en exploite avec un talent enthousiasmant les moindres
ressorts, tout en restant classique. Pas de surprise pour la reprise
de cette comédie créée en 1999, au théâtre de la Porte Saint Martin
(Lettre 163) et couronnée par plusieurs nominations aux Molières
2000. Au nombre de onze au lieu de treize, les comédiens d’une formidable
efficacité, sont tous excellents. Certains, fidèles au poste, ont
d’ailleurs repris leur rôle. Des costumes bien dans l’époque, dont
certains géniaux, (le maillot de corps de Bouzin est à lui seul
tout un programme), des décors très étudiés et une remarquable scénographie
leur permettent de laisser libre cours à leur talent, donnant aux
personnages une consistance et une présence tout à fait réjouissantes.
Un travail cousu main, au service de l’un des chefs d’œuvre de Feydeau.
Théâtre de Paris 9e.
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