UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR
Article
publié dans la Lettre n° 325
du
11 avril 2011
UN TRAMWAY NOMMÉ DÉSIR de Tennessee
Williams. Texte français Jean-Michel Déprats. Mise en scène Lee
Breuer avec treize comédiens dont Anne Kessler, Éric Ruf, Françoise
Gillard, Christian Gonon, Léonie Simaga, Bakary Sangaré, Grégory
Gadebois, Stéphane Varupenne.
Tennessee Williams est l’un des dramaturges américains incontournables
du XXe siècle pour être l’auteur d’un nombre impressionnant de pièces
célèbres dont La Ménagerie de verre, La Chatte sur un
toit brûlant, Soudain l’été dernier ou La Nuit de l’iguane.
Si toutes ont été adaptées au cinéma, Un Tramway nommé désir
reste celle qui marqua le plus les esprits, sans doute grâce au
film que réalisa Elia Kazan en 1951, primé aux Oscars, et aux deux
comédiens qui interprétaient les rôles mythiques de Stanley et Blanche:
Marlon Brando et Vivien Leigh. La pièce fut souvent une référence.
Dans son film Tout sur ma mère, Pedro Almodóvar lui offre
une place privilégiée, insistant sur une sensualité qui avait provoqué
à l’époque la censure de plusieurs scènes.
Après avoir perdu la propriété de Belle Rêve et dilapidé la fortune
de la famille, Blanche Dubois échoue chez sa sœur Stella, installée
dans un quartier populaire de la Nouvelle-Orléans et mariée à Stanley
Kowalski. Blanche est partagée entre une certaine attirance pour
ce beau-frère, grand joueur de poker et buveur invétéré et la répulsion
que lui inspire sa vulgarité. Issue d’une vieille famille de planteurs
dans laquelle leur enfance a baigné, Blanche reproche à sa sœur
cette mésalliance. Kowalski, furieux de voir l’héritage de sa femme
lui échapper, n’a qu’une hâte, se débarrasser de sa belle-soeur
dont les minauderies ne font qu’augmenter son hostilité. Il recherche
et lui découvre un passé douteux. Fragilisée par la perte tragique
d’un premier amour et violée par Stanley, Blanche sombrera dans
la folie, ne supportant pas de ne plus pouvoir donner d’elle-même
une image pure, mais seulement, celle de sa propre déchéance.
La traduction de Michel Déprats restitue bien le langage imagé de
ces habitants de la Nouvelle-Orléans que fréquentent les Kowalski,
faune populaire et bigarrée venant de tous les horizons, vocabulaire
dont la gouaille est largement exploitée dans la mise en scène.
L’entrée de cette pièce au répertoire de la Comédie Française n’étonnerait
pas si elle n’était le fruit du travail d’un metteur en scène aussi
inclassable que l’américain Lee Breuer. Balayant la tradition occidentale,
il place l’œuvre dans la culture japonaise et met en scène un spectacle
de trois heures, accumulant les références au théâtre traditionnel
bunraku, entre autres. La scénographie foisonnante, au décor continuellement
en mouvement, donne à voir et à entendre sans répit. De superbes
panneaux décoratifs tombent des cintres. Le mobilier se transforme
ou disparaît entre les mains de « serviteurs » encagoulés qui tendent
aussi des accessoires aux comédiens, pendant que musiciens et chanteurs
occupent l’espace. L’histoire tragique de Blanche a tendance à se
diluer dans cette longue version qui mêle paradoxalement la brutalité
d’un monde ordinaire et un raffinement tout oriental, mais ce parti
pris insolite ne laisse pas indifférent. Un regard nouveau porté
sur ce Tramway revisité que n’aurait peut-être pas désavoué
son auteur, compatriote de Lee Breuer. Comédie Française 1er.
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