UN CERTAIN CHARLES SPENCER CHAPLIN

Article publié dans la Lettre n° 387
du 26 octobre 2015


UN CERTAIN CHARLES SPENCER CHAPLIN de Daniel Colas. Mise en scène de l’auteur avec Maxime d’Aboville, Béatrice Agenin, Linda Hardy, Benjamin Boyer, Xavier Lafitte, Adrien Melin, Coralie Audret, Alexandra Ansidei, Thibault Sauvaige, Yann Couturier.
Quelles que soient les générations et l’adhésion que remportèrent ses films auprès du public, Charles Chaplin illumina de son nom tout le XXe siècle et apporta sa pierre à la création du cinéma muet. Cette invention majeure offrit définitivement un autre regard sur le monde, ouvrant les vannes du phénomène de société incontournable que représente aujourd’hui le 7e art.
Les premières décennies de l’existence de Charles Chaplin se résument à une enfance d’une indigence extrême, montant sur scène dès l’âge de cinq ans. Ces débuts précoces le conduisent tout naturellement vers l’art de la pantomime ou il excelle à mêler réalité et fiction dans des rôles de vagabond ou d’ivrogne. Son enfance, sa jeunesse et son émigration aux États-Unis sont sources d’inspiration. Le comédien que Mack Sennett considère peu docile, passe à la réalisation et met en scène son personnage de Charlot, vagabond au grand cœur face à une société qui le malmène. La sortie de la plupart de ses films cause un malaise dans la classe sociale la plus élevée et dérange les gouvernants. Il affronte rumeurs, scandales et pressions de toutes sortes. La chasse aux sorcières de l’ère Mc Carthy s’acharne sur lui et le conduit à un exil de vingt ans. Charlot, personnage représentatif de la condition humaine mais héros sans voix, ne trouvera plus sa place lors du passage au cinéma parlant et les tentatives de son créateur en la matière seront peu convaincantes.
Daniel Colas a écrit et met en scène soixante-dix années de la vie de Charles Chaplin. Une vingtaine de tableaux retracent les périodes les plus significatives de l’existence de l’un des grands mythes du cinéma mondial et de son entourage, cela nécessite un déploiement de moyens importants pour créer les lieux et les époques ainsi que la présence d’une dizaine de comédiens sur scène. La scénographie, les lumières, les costumes, tout concorde à la réussite du spectacle. Ce dédale d’événements, entrelacés de brefs rappels de ses films, séduit. Les comédiens opèrent eux-mêmes les changements de décors et passent en un tour de mains d’une période à l’autre, changeant de costumes selon la mode, semblant vieillir au même rythme, et interprétant brillamment les rôles de ceux qui partagèrent la vie de Chaplin.
Maxime d’Aboville est saisissant dans les deux facettes du rôle. Vêtu des costumes de l’époque, il interprète un Charles Spencer Chaplin se battant sur tous les fronts pour s’imposer ou se défendre, versatile avec les femmes mais tendre avec Oona, la dernière, ou avec sa mère. Vêtu du fameux costume, pantalon trop large, gilet déchiré dépassant d’une veste étriquée, et chaussures trop grandes, tenant son chapeau melon et sa canne, il se mue en un fabuleux Charlot. Son interprétation de « Charlot boxeur » est tout à fait extraordinaire. L’émotion est grande lorsque le final laisse apparaître la célèbre photo de Charlot, le kid dans les bras. Théâtre Montparnasse 14e.


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