TROIS
ANNEES
Article
publié dans la Lettre n° 253
TROIS ANNEES de Roger Grenier d’après
la nouvelle d’Anton Tchekhov. Mise en scène Jean-Claude Idée avec
Emmanuel Dechartre, Vincent de Boüard, François Gamard, Sandrine
L’Ara, Gabriel Le Doze, Macha Pétina, Benoît Solès.
C’est l’histoire toute simple mais tragique d’un couple qui s’aime
à contretemps. Amoureux fou de Julie, c’est elle qu’Alexis cherche
des yeux avec émotion lorsqu’il se rend en province pour voir sa
sœur Nina. Celle-ci, atteinte d’un cancer va mourir. Son mari a
un autre ménage, une jeune femme dont il a deux enfants. Nina a
toujours su qu’elle n’était pas aimée. Cela a gâché sa vie. Aujourd’hui,
alors que les jours de Nina sont comptés, Alexis n’hésite plus :
il demande à Julie de l’épouser. Elle refuse puis accepte tout en
lui assurant qu’elle ne l’aime pas mais qu’elle lui restera fidèle.
A Moscou, Alexis et son frère mènent l’affaire familiale prospère
pendant que Julie court les salons et les spectacles et se lie avec
Kostia, un jeune avocat que Nina avait adopté à l’âge de sept ans.
Les années passent. Alexis tente de se faire aimer de Julie puis
peu à peu son amour s’effrite et l’indifférence lui succède. Trois
ans plus tard, avec la maturité, Julie se rend compte des qualités
de ce mari respectueux du malheur des autres, distribuant son argent
sans compter. Elle finit par l’aimer mais il est trop tard.
Les amateurs d’Anton Tchekhov seront à leur affaire. Cette nouvelle,
très représentative de l’auteur, décrit avec subtilité les attentes
et les déceptions de cette société avec ses défauts et ses qualités,
incluant ses sujets favoris, la médecine, l’hygiène et des idées
neuves et généreuses, comme la construction d’un lieu d’accueil
pour les pauvres. Ses personnages sont bien dessinés, chacun apportant
un peu de ce qui fait l’âme russe. Le père tyrannique, le médecin
incapable, le beau-frère cynique, le frère trop sensible, le neveu
adopté peu reconnaissant, et les femmes, exemplaires ou futiles.
La transposition théâtrale d’une nouvelle est toujours délicate.
Roger Grenier en respecte l’intrigue, parvient surtout à rendre
la tristesse et la mélancolie qui s’en dégagent et c’est là l’essentiel.
Dirigés par la mise en scène très simple de Jean-Claude Idée, les
comédiens séduisent, Emmanuel Decharte en tête, remarquable dans
le rôle émouvant d’Alexis, tandis que le charme de Macha Pétina
opère, divinement habillée par Catherine Gorne-Achdjian. Petit
Montparnasse 14e (01.43.22.77.74).
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