LA TRILOGIE DE LA VILLEGIATURE

Article publié dans la Lettre n° 209


LA TRILOGIE DE LA VILLEGIATURE d'après Les manies de la villégiature, Les aventures de la villégiature, Le retour de la villégiature de Carlo Goldoni. Mise en scène Jean-Louis Benoit. Texte français Félicien Marceau avec seize comédiens dont Jean-Claude Barbier, Ninon Brétécher, David Gouhier, Catherine Rétoré, Richard Mitou, Jean-Marie Frin, Jean-Claude Bolle-Reddat, Karen Rencurel, Stéphanie Labbé, Christine Pignet, Louis Merino, Eric Béranger, Cécile Chèvre, Emilie Chevrier.
C'est en 1761, peu de temps avant de quitter Venise pour s'installer définitivement à Paris, que Carlo Goldoni donne trois petites pièces, dont seule la première, pourrait rester indépendante des autres. De l'une à l'autre, nous retrouvons les mêmes personnages et un thème identique: une folie commune, celle de quitter la ville, pour se rendre en « villegiatura »(« à la campagne » traduit l'auteur), durant la longue période estivale. Or, si cette manie est à la portée des plus fortunés, les moins nantis qui veulent se mettre au niveau des autres, ne s'en remettront pas et, malgré les aventures qui les attendent avec leurs proches voisins et leurs amis qu'ils ont conviés à grands frais, le retour aura des lendemains qui ne chantent pas.
Plus que pour Les jumeaux vénitiens, La serva amorosa ou Arlequin valet de deux maîtres, c'est ici l'intérêt de Goldoni pour l'existence même de ses contemporains qui prime. Contrairement à Molière, ce n'est pas le caractère de ses personnages avec ses vertus et ses vices qui lui plaît d'analyser, mais leur manière de vivre, leurs rencontres et les conséquences qu'elles entraînent. Son jugement est lucide, sa critique acerbe. Les trois pièces s'organisent autour du thème amoureux vu sous tous ses angles. Si pour certains, « le coeur a ses raisons que la raison ne connaît point », pour d'autres comme Giacinta, personnage presque central, très marivaudien, remarquable pour sa réflexion entre son amour et son devoir, c'est la raison, poussée par l'honneur, qui l'emportera. Au milieu de toute cette folle agitation dans laquelle évoluent des personnages vaniteux, en proie à une jalousie maladive et à des amours naïves, mais pourtant émouvants, Ferdinando, l'ami de tous, garde la tête froide. Loin de sacrifier à la mode, lui ne se rend à la campagne que pour régler ses affaires et c'est à lui que l'on aura recours pour arranger au mieux les catastrophes générées par l'inconséquence ou la faiblesse.
Jean-Louis Benoit exploite de façon magistrale la remarquable construction de l'intrigue où tout l'art consiste à mettre en relief le comique des répliques et celui des situations pour contrebalancer une suite de péripéties qui, de pièce en pièce, deviennent de plus en plus dramatiques. Sa mise en scène dynamique est acompagnée par une formidable scénographie, une musique et des lumières judicieuses et suggestives. Des décors et des costumes somptueux rendent à la perfection un raffinement tout italien. Les personnages ont chacun une épaisseur, une existence propre. C'est donc un travail d'équipe que nous offrent, avec un égal talent, tous les comédiens qui renouent ainsi avec le théâtre de troupe tel qu'il était conçu à l'époque. Les trois heures de ce spectacle aussi divertissant que captivant passent comme un souffle. Théâtre Nanterre Amandiers 92 (01.46.14.70.00) jusqu'au 8 février 2003. Lien: www.nanterre-amandiers.com


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