THE SERVANT
Article
publié dans la Lettre n° 383
du
25 mai 2015
THE SERVANT de Robin Maugham. Traduction
Laurent Sillan. Mise en scène Thierry Harcourt avec Maxime D’Aboville,
Roxane Bret, Xavier Lafitte, Adrien Melin, Alexie Ribes.
De retour à Londres après un long et pénible séjour en Afrique,
Tony, un jeune aristocrate, contacte Richard, son ami de toujours.
Celui-ci, heureux de le revoir, se charge de lui trouver une maison
et un majordome, Tony semblant peu désireux de s'en occuper lui-même.
Ils se retrouvent sur les lieux, bientôt rejoints par Sally. La
jeune femme a bien connu les deux amis autrefois et les six années
écoulées depuis le départ de Tony n’ont pas entamé l’affection amoureuse
qu’elle a pour lui. Peu sûr de lui, le jeune homme en conçoit un
plaisir non dissimulé. Barrett, le majordome, se présente. Ses états
de service sont irréprochables. Il est libre, le salaire auquel
il prétend n’est pas excessif. Malgré l’avis réservé de ses deux
amis, Tony l’engage. L’homme se révèle prévenant et dévoué. Également
bricoleur et décorateur, il transforme la maison en un clin d’œil.
Excellent cuisinier, il flatte les papilles d’un maître de moins
en moins enclin à sortir. Enchanté par cette recrue, Tony se laisse
glisser dans une oisiveté que le majordome cultive. Sacrifiant peu
à peu sa volonté sur l’autel de son petit confort, Tony refuse d’admettre
l’ascendant que prend son serviteur sur lui, malgré l’inquiétude
croissante et fondée de Richard et Sally. Barrett façonne insidieusement
sa marionnette. Il exploite les faiblesses de son maître en favorisant
son penchant pour l’alcool, prévient ses moindres désirs, lui met
dans son lit une soubrette, écartant ainsi définitivement Sally. Richard, parti pour les États-Unis, ne
peut que constater à son retour le changement opéré chez son ami.
Il tente de le ramener à la raison mais en vain. Barrett tire dorénavant
les fils à sa guise.
Robin Maugham adapta lui-même pour la scène en 1958 ce qui fut tout
d’abord une nouvelle. Joseph Losey en tourna un film qui rendit
l’œuvre internationalement célèbre. L’argument de la pièce se situe
au début des années cinquante. Thierry Harcourt restitue parfaitement
l’atmosphère de cette époque où la haute société britannique profite
des lendemains de la guerre pendant que l’autre, plus humble, souhaite
s’élever. Barrett, le majordome, dissimule mal un complexe de supériorité.
Il a une revanche à prendre sur cette aristocratie qui tient le
haut du pavé depuis trop longtemps et exploite les petites gens
comme lui. Il va l’assouvir auprès de la proie idéale qu’il s’est
choisie, de cet être d’une extrême paresse, fragilisé par un passé
que l’on devine traumatisant. La traduction vive et pleine d’humour
favorise une mise en scène fluide dans laquelle évoluent des personnages
très londoniens. Excellent Barrett, Maxime d’Aboville campe un majordome
froid et droit dans ses bottes, de plus en plus inquiétant à mesure
que se déroule l’implacable huis-clos, face à Xavier Laffitte, également
très efficace en aristocrate nonchalant et sans volonté. Tous deux
forment un « couple » saisissant, faisant subtilement évoluer leurs
personnages jusqu’au moment où les rôles s’inversent définitivement,
le maître devenant l’esclave de son serviteur. Roxane Bret, toute
jeune débutante, parvient très bien à donner une vision différente
des deux rôles de soubrette qui lui sont dévolus. Adrien Melin et
Alexie Ribes sont excellents en amis policés. Un regard pertinent
et sans concession sur la prise de pouvoir d’un homme sur un autre.
Théâtre de Poche 6e.
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