TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE

Article publié dans la Lettre n° 368
du 5 mai 2014

TEMPÊTE SOUS UN CRÂNE, d’après Les Misérables de Victor Hugo. Adaptation Jean Bellorini et Camille de la Guillonnière. Mise en scène Jean Bellorini avec Mathieu Coblentz, Karyll Elgrichi, Camille de la Guillonnière, Clara Mayer, Céline Ottria, Marc Plas, Hugo Sablic.
Ils sont deux, presque perdus dans l’immensité d’un espace scénique dépouillé, presque frêles face au tumulte du texte, à l’ampleur des personnages, de l’Histoire, de Victor Hugo. La première époque, par ce duo, raconte le bagnard et sa conversion à la bonté grâce à un évêque, la déchéance de Fantine et la souffrance de Cosette, la monstruosité des Thénardiers. La seconde époque, par cinq acteurs, déploie les avatars de Jean Valjean et des Thénardiers, la traque de Javert, Cosette et l’amour de Marius, le sacrifice d’Eponine, Gavroche et la barricade sanglante.
Dans ce monde englué de misère qui condamne sans appel au forfait et à la haine, Jean Valjean fera, en dépit des injustices et des vindictes, figure de héros pétri de générosité et de mansuétude.
Comment affronter victorieusement et efficacement le gigantisme des Misérables ?
Les récits mimés, monologués ou dialogués, alternent avec le flamboiement épique du Poète, la parole court et s’envole de chœurs à l’unisson en chants de douleur et de révolte, que scandent la langueur de l’accordéon et le martèlement vital des percussions. L’inventivité de la mise en scène « donne à voir », en tempo alterné, l’intimité replète des bourgeois, le martyre des pauvresses, le scandale du prétoire, le sacrifice bravache de Gavroche, la fulgurance des massacres. Le flux des enthousiasmes et des indignations de Victor Hugo est remarquablement porté par la conviction et la fraîcheur des sept comédiens-musiciens qui résonnent à l’unisson. La beauté intemporelle du texte originel est fidèlement préservée par le choix judicieux et varié des épisodes, dans l’humour et la gravité, dans le lyrisme et la poésie. L’air se charge de cordite, le ciel hésite entre étoiles et scintillements de mitraille, et la nuit se referme sur l’anéantissement de Javert, comme une virgule sur d’insondables ténèbres. A.D. T.Q.I. Antoine Vitez - Ivry sur Seine 94.

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