TANTINE ET MOI

Article publié dans la Lettre n° 240


TANTINE ET MOI de Morris Panych. Adaptation Michel Blanc. Mise en scène Stephan Meldegg avec Francis Perrin, Monique Chaumette.
Lorsqu’il lut rapidement la lettre de sa tante dont il ignorait tout depuis trente-cinq ans, le mot terminale attira l’attention de Kemp. Il crut qu’elle partait en voyage et qu’elle lui écrivait depuis le terminal d’un quelconque aéroport. Une seconde lecture lui permit de s’apercevoir que phase précédait le mot en question et que l’ensemble prenait un tout autre sens. Employé de banque, il quitta son travail sur le champ, fit sa valise et débarqua sans prévenir chez Tantine. Depuis son lit, celle-ci l’accueillit, un brin surprise mais le sourire aux lèvres et sans piper mot. C’était l’hiver, il s’installa et entreprit d’organiser les funérailles, demandant à l’occasion l’avis de l’intéressée. Les saisons se succédèrent, la tante ne semblait pas pressée de quitter ce monde ce qui énervait passablement le neveu pressé de repartir vers d’autres horizons. Trop pressé, c’était bien là le défaut de Kemp, cela allait lui jouer un tour pendable.
Depuis de nombreuses années, Michel Blanc adapte pour le théâtre des pièces généralement anglaises. Sous sa plume, l’humour grinçant devient jubilatoire. Vigil, la pièce originale de Morris Panych, auteur d’une douzaine de pièces, reçut en 1996 trois Jessie Awards et fut l’objet d’une adaptation anglaise sous le titre Auntie and Me (Ma tante et moi). Son contenu, pour le moins original, permet à Michel Blanc de donner libre cours à son talent. Les thèmes traités sont ceux qui jalonnent la tristesse de la vie: la maladie, la vieillesse, la solitude, l’indifférence mais aussi les conséquences d’une enfance sevrée d’amour et d’attention. A la fois drôle et poignante, il s’en dégage une atmosphère dantesque parce que tout semble possible, les situations comme les réflexions. A la fois cocasse, caustique, grinçante et un brin horrible, le discours de Kemp laisse pantois. Si l’on devine parfois ce qui va suivre, la fin est à la hauteur du génie machiavélique de Morris Panych.
La mise en scène très subtile de Stephan Meldegg laisse toute liberté aux comédiens pour traduire les sentiments multiples et souvent contradictoires qui les animent tandis que le décor ponctue avec ingéniosité le rythme des saisons et celui du temps qui passe. Si Francis Perrin revêt avec brio le costume du neveu affreux et méchant, Monique Chaumette exprime de façon extraordinaire tous les sentiments ressentis par son personnage. Elle se tire divinement bien d’un rôle pratiquement muet, où les expressions du visage, reflets de la pensée, sont essentiels. Théâtre La Bruyère 9e. Lien: www.ddo.fr/labruyere


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