T’ES PAS NÉ !

Article publié dans la Lettre n° 398
du 13 juin 2016


T’ES PAS NÉ ! Texte de Philippe Maymat. Mise en scène Laurent Fraunié avec Philippe Maymat.
T’es pas né ??! Comment une telle affirmation résisterait-elle à la simple logique de l’apostrophe en direct, perfidement assénée par le grand frère au cadet, sur le chemin de l’école ? Le coup est terrible, même si la naïveté de la victime est immédiatement consolée par le sourire rassurant de la mère. Oui, mais le mal est fait, le doute fera des ravages, et aux pires moments, dans la carrière de ce petit frère en mal d’affirmation de soi. Parce qu’il lui reste encore à prouver… son ascendance danoise, ses talents de gardien de but, sa suprématie sur les tatamis, sa victoire sur les sorcières de jardin, entre bien d’autres expériences de croissance. Parce que, qu’il s’en indigne ou non, il sera toujours le petit frère d’un aîné narquois, qui n’a guère de scrupule à le terrasser avec la dernière mauvaise foi.
L’originalité, ici, est dans la mise en images jubilatoires et non moins émouvantes de cette loi éternelle des luttes fratricides. Alternant tous les rôles, Philippe Maymat y campe, en héros central, un gamin spontané, joyeux, anxieux, vindicatif, amoureux, teigneux parfois, toujours en mouvement. Surtout infiniment curieux du monde souvent inintelligible des adultes. Le propos n’est ni infantile ni larmoyant. C’est la confidence revisitée de l’univers de l’enfance, jouée à tous les sens du terme, en clair-obscur sur un plateau quasi vide, dans une ronde de personnages. Les situations, sans temps mort, sont rythmées par l’évocation des exploits sportifs et scandées par les musiques de chaque époque. Nulle condescendance ne vient gauchir ce parcours, que tout un chacun a vécu, à sa mesure, pour jouer des coudes dans le regard des « grands », pour naître à sa propre identité. La légèreté gestuelle et chorégraphique de l’acteur est en résonance avec une légèreté de propos qui ne saurait masquer la profondeur, même amusée, de l’expérience.
Un bien bel écho à nos fragilités enfouies, nos petites blessures cicatrisées, notre mémoire d’identité chahutée. L’accélération du final est un vrai bonheur. A.D. Théâtre de Belleville 11e.

Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » utiliser la flèche « retour » de votre navigateur