SUNDERLAND

Article publié dans la Lettre n° 332
du 14 novembre 2011


SUNDERLAND de Clément Koch. Mise en scène Stéphane Hillel avec Elodie Navarre, Constance Dollé, Léopoldine Serre, Vincent Deniard, Vincent Németh, Thierry Desroses, Bénédicte Dessombz, Pascale Mariani.
L’aménagement d’un logis est souvent le miroir de ceux qui l’habitent. Très étudié, le décor de la pièce principale où vivent Sally et Jill est aussi déroutant que les deux personnages. La chaine-stéreo, la télé à écran plat, la poubelle en inox rutilante et les appareils ménagers côtoient le vieux poêle à essence, la table en bois blanc, la gazinière qui a vu des jours meilleurs. La maison et ses vieux meubles, c’est tout ce qu’a laissé leur mère avant de les quitter, cette mère qui leur apparaît parfois grâce à la magie de l’esprit. Sally l’a gardée telle quelle, ajoutant selon ses maigres moyens des objets plus modernes dont la présence semble incongrue. Au chômage depuis six mois, elle est à la recherche d’un emploi car c’est le seul moyen pour elle de conserver la garde de sa sœur de seize ans plus tout à fait normale depuis la traumatisante disparition maternelle. Dans cette bourgade du nord de l’Angleterre, trouver du travail relève de l’exploit, surtout depuis la fermeture de l’usine de production de poulets, exterminés par la grippe aviaire. Depuis, la population vivote, les matchs de foot hebdomadaires restant l’unique rayon de soleil de cette vie de misère. Sally «loue» une chambre à Ruby, une copine excentrique qu’elle a accueillie lorsqu’elle était à la rue. Stakhanoviste du téléphone rose, elle s’occupe de Jill en son absence. La soeur aînée rentre bredouille, découragée mais déterminée. Tout, plutôt que d’envoyer Jill à l’hôpital psychiatrique comme le menace l’assistante sociale. Gaven, amoureux de Sally depuis que « leur poussette se sont croisées », est très présent . Il lui tourne autour et revient souvent à la charge mais pour la jeune femme, il ne sera jamais qu’un copain. En ville, la librairie est à vendre mais où trouver l’argent ? Une annonce découpée dans une revue est plaquée sur le frigo depuis peu. Un couple d’avocats londoniens cherche une mère porteuse. Elle le contacte. Son arrivée jette un froid et pour cause. Mais un contrat de 300 000 livres, jeté là sur la table, fait réfléchir. Accepter de louer son utérus à ce duo peu conventionnel et conserver la garde de Jill, ou refuser l’offre et perdre la petite ? De quel côté penchera le fléau de la balance ?
Sunderland est la deuxième pièce de Clément Koch. Français né en 1970, ses études l’ont conduit en Angleterre d’où sa parfaite connaissance du pays, de la société ouvrière et de ses villes où le chômage règne en maître.
Tout se tient à la perfection dans ce drame de la vie ordinaire. L’histoire, sa construction, son style à l’humour typiquement britannique, l’épilogue inattendu, mais aussi cette ambiance populaire si spéciale, faite d’amour, d’amitié, de solidarité et de coups de gueule que l’on retrouve dans la plupart des œuvres anglo-saxonnes. La mise en scène de Stéphane Hillel, parfaite, la scénographie et ses projections inventives, les dialogues aux répliques percutantes permettent aux comédiens, fantastiques, de mener leur histoire vers une fin émouvante exempte de misérabilisme. Petit Théâtre de Paris 9e.


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