SIGNE DUMAS de Cyril Gely et Eric
Rouquette. Mise en scène Jean-luc Tardieu avec Francis Perrin, Thierry
Fremont, Maxime Lombard.
En février 1848, Alexandre Dumas est au faîte de sa gloire. Le Château
de ses rêves, dont il habite un bâtiment, est en plein chantier
et même s’il lui coute une fortune, il croque à pleines dents les
plaisirs de la vie. Il doit cependant écrire de plus en plus et
plus vite afin d’honorer ses créanciers. A ses côtés, dans l’ombre
depuis dix ans, Auguste Maquet, son nègre, travaille. Aussi effacé
et introverti que son associé est expansif, c’est lui qui crée les
canevas de tous les romans de Dumas. Durant ces années, cette collaboration
efficace est devenue indispensable à l’un comme à l’autre. Dumas
serait perdu sans Maquet, tout comme celui-ci n’a aucun succès seul.
Le 24 février va être une date fatidique pour les deux hommes. Louis-Philippe
vient d’abdiquer en faveur de son petit-fils le Comte de Paris.
La nouvelle, sous forme de dépêche, apportée par le maréchal des
logis Mulot (Maxime Lombart, parfait), surexcite Dumas, persuadé
de pouvoir jouer un rôle politique aux côtés de la Régente, la Duchesse
d’Orléans. Ne pouvant regagner la capitale, il veut adresser un
message au peuple français, à la Chambre des Députés. Maquet qui
garde la tête froide, l’engage à n’en rien faire, voyant déjà poindre
une Seconde République. Une vive discussion s’engage entre les deux
hommes durant laquelle Dumas interloqué va découvrir la face cachée
d’Auguste Maquet. Les griefs et la rancune accumulés se succèdent
puis les menaces, Maquet ayant depuis longtemps réuni des preuves
de leur étroite collaboration. Si l’excellente pièce de Cyril Gely
et d’Eric Rouquette met remarquablemnt en lumière le contexte politique
révolutionnaire de l’époque, il décrit avec brio l’empoignade entre
les deux hommes. Dumas massif, tonitruant, aveuglé par son ascension
et ivre de gloire s’échauffe, tandis que Maquet, jusqu’ici en retrait
et falot, sort de son impassibilité et vide son sac devant un homme
qui n’en peut mais de découvrir un secrétaire qu’il méprisait et
qu’il a un peu trop sous-estimé.
L’intérêt de la pièce réside aussi dans l’une des facettes de l’intrigue:
l’importance que confèrent l’apparence et la notoriété. Dorénavant
célèbre, Alexandre Dumas est convaincu que quoique fasse Maquet,
il passera à la postérité et que son nom sera celui que retiendront
les générations futures. Mais il réalise malgré tout qu’il ne peut
pas se passer de lui. Maquet, lui, sait pertinemment qu’il ne vit
qu’à travers Dumas (il perdra d’ailleurs le procès qu’il lui intentera
dix ans plus tard). Il ne sera jamais que l’ombre de son ombre mais
il se sait indispensable. Il faudra donc composer. Francis Perrin
fait une composition saisissante d’Alexandre Dumas énorme, hirsute,
gonflé de son importance, qui tonne et vitupère face à un Maquet
joué avec une formidable efficacité par Thierry Fremont, lorsqu’il
sort de son ombre et se révèle. Un décor bien dans le ton et une
mise en scène tout en finesse d’un Jean-Luc Tardieu très inspiré
font de ce spectacle l’un des meilleurs du moment. Marigny Robert
Hossein Salle Popesco 8e (01.53.96.70.20).