SEZNEC
« Un procès impitoyable »
Article
publié dans la Lettre n° 310
SEZNEC « un procès impitoyable »,
écrit par Olga Vincent et Éric Rognard. Réalisé et présenté sur
scène par Robert Hossein avec 25 comédiens dont Philippe Caroit,
Jean-Paul Solal, Yannick Debain, Pierre Dourlens, Éric Desmarestz,
Philippe Rigot, Martine Pascal, Hervé Masquelier, Olga Korotyayeva,
Danik Patisson.
Le 25 mai 1923 Guillaume Seznec et son associé Pierre Quéméneur,
conseiller général du Finistère et marchand de bois fortuné, quittent
Morlaix en Cadillac pour se rendre à Paris. Le lendemain, Guillaume
Seznec rentre seul avec la voiture. Personne ne reverra jamais Pierre
Quéméneur. Après un procès rondement mené en 10 jours, Guillaume
Seznec est jugé coupable mais une bévue des jurés le sauve de la
guillotine. Il n’y a ni arme du crime, ni cadavre et les mobiles
sont peu convaincants.
Robert Hossein retrace minutieusement les heures de ce procès grâce
à l’adaptation limpide de deux auteurs que l’on peut féliciter pour
leur implication, et installe sa mise en scène en recréant l’enceinte
du tribunal de Quimper où s’est joué le destin d’un homme, afin
que son public, transformé en juré, se forge lui-même sa propre
conviction.
L’organisation de la salle d’audience joue en défaveur de Seznec,
le président du tribunal et l’avocat général de trouvant l’un devant
l’autre, face à l’accusé et à son avocat. Face au public, un journaliste
narrateur commente le procès. L’avocat général est certain de la
culpabilité de Seznec. Sa conviction est attisée par les conclusions
d’une enquête pour le moins hâtives et la présence de 100 témoins
à charge contre quatre pour Seznec. Le président du tribunal, pour
sa part, oriente toujours les débats en défaveur de Seznec, sans
doute convaincu lui aussi de sa culpabilité.
Face à eux l’accusé, et son avocat, novice dans les affaires d’assises,
remplaçant le ténor parisien qui devait plaider. Guillaume Seznec
explique que Pierre Quéméneur et lui-même étaient associés dans
une affaire de vente à l’Union soviétique de voitures américaines.
Ils étaient partis pour Paris afin de vendre la Cadillac. Celle-ci
tombant en panne, Seznec aurait déposé Quéméneur à la gare de Houdan
puis serait rentré faire réparer la voiture à Morlaix. On apprend
également qu’une promesse de vente d’une propriété de plusieurs
hectares venait d’être conclue entre les deux hommes pour la somme
de 35 000 francs avec un dessous de table de 65 000 francs.
Meurtre ou disparition ? A qui aurait profité le crime ? Si Sezncec
était coupable, quel intérêt avait-il à assassiner Pierre Quéméneur,
ne pouvant prouver le dessous de table et avec pour seul mobile
une promesse de vente dont la somme dérisoire pouvait être contestée
par la famille ? Si Seznec était innocent, Quémeneur, en possession
d’une somme importante et la perspective d’un commerce lucratif
mais peu reluisant pour un homme de sa condition, n’aurait-il pas
préféré partir pour l’Amérique puis disparaître comme le suggéra
Seznec ? Y aurait-il eu une machination policière menée par l’inspecteur
Bonny afin d’activer la condamnation d’un homme qu’il croyait coupable?
Nul ne le saura jamais. Le 3 novembre 1924, Guillaume Seznec fut
condamné aux travaux forcés à perpétuité, puis gracié après vingt-cinq
ans de bagne. Après douze tentatives de réhabilitation, le mystère
reste entier malgré l’opiniâtreté du condamné lui-même puis celle
de son petit-fils Denis Le Her-Seznec, à laver l’honneur de la famille.
La mise en scène et une scrupuleuse reconstitution des faits rendent
compte avec une extrême efficacité du mécanisme de la justice et
ouvre une réflexion orientée par le narrateur qui commente les débats.
Dans ce procès la loi a été la principale victime, pour reprendre
les termes de Maître Lombard lors de son intervention filmée. La
justice a fait fi de la présomption d’innocence, oubliant que le
doute doit toujours profiter à l’accusé. Qu’en est-il aujourd’hui
? Maintes affaires ont, depuis cette époque, défrayé la chronique
et prouvé que le doute ne profite pas souvent à l’accusé. Les spectacteurs-jurés,
doivent avant de voter, envisager une chose toute simple: en 1924
comme en 2010, la justice n’a pas beaucoup changé. Si cette affaire-là
est arrivée à côté de chez eux, une autre, telle que celle-ci, pourrait
survenir chez eux. A considérer le vote de certains spectateurs,
il semble que tous n’en aient pas conscience. Théâtre de Paris
9e.
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