LE SCOOP
Article
publié dans la Lettre n° 344
du
8 octobre 2012
LE SCOOP de Marc Fayet. Mise en scène
de l’auteur assisté de Lila Redouane avec Philippe Magnan, Frédérique
Tirmont, Frédéric Van Den Driessche, Guillaume Durieux, Aurore Soudieux.
Lorsque Gregory lui expose sa requête, celle de l’interviewer sur
son parcours professionnel de Grand Reporter, Pierre Merlin-Pontet
(Philippe Magnan) est plutôt surpris. Selon lui, il serait préférable
de « s’occuper des conneries du XXIe ». Aujourd’hui retiré de la
profession, il a derrière lui cinquante ans de vie de correspondant
de guerre. L’Algérie, le Liban, la Yougoslavie, l’Afghanistan… Il
a tout couvert, tout vécu, de la prise en otage à la mort violente
de confrères qu’il estimait, témoin des horreurs de tous ces conflits.
« La vie d’un grand correspondant de guerre, vous savez ce que c’est
? Traque, démerde, peur, sang. Ce n’est pas du tourisme », lance-t-il
au jeune journaliste qui ne semble pas en mesurer l’envergure. Son
étonnement se transforme en méfiance lorsque Gregory précise être
envoyé par Jean-Claude Dupire, star du J.T. Ancien ami de Pierre,
aujourd’hui adversaire jaloux, Jean-Claude souhaite faire une émission
pour encenser son confrère à partir de l’interview, officiellement
du moins. Claire, la femme de Pierre, photo-journaliste, reconvertie
en simple photographe, le convainc de donner cette interview, trouvant
le projet de qualité, même si le nom de Jean-Claude la fait ciller.
Le couple a une fille Mélodie qui fait ses débuts de comédienne.
Pierre accepte l’interview sous certaines conditions. Grégory la
commence seul puis avec l’aide de Julie qui doit filmer les rencontres.
Mais elle hésite à accepter cette collaboration. Elle ne comprend
pas bien le but recherché par Gregory. Sa réflexion « Filme d’abord
et tu comprendras après» la décide malgré tout. Elle aussi est à
l’affut d’un scoop.
Les interviews se déroulent normalement jusqu’au moment où Gregory
ajoute à ses questions un rapport et une photo sensés compromettre
Pierre. Plusieurs interrogations s’imposent alors: Que cherche véritablement
Jean-Claude Dupire en mettant ainsi Pierre sur la sellette ? Celui-ci
a-t-il eu un parcours sans faille, n’a-t-il rien à se reprocher
? Qui est véritablement Grégory ?
Le Scoop est la cinquième pièce de Marc Fayet et la plus
aboutie. Il rend passionnant le monde du journalisme sous tous ses
aspects grâce à une intrigue qui va crescendo, dépeignant sans cliché
l’affrontement de trois générations d’hommes aux motivations différentes.
Les dialogues incisifs montrent combien tous les moyens sont bons
pour réaliser le scoop de sa vie, partant du principe que « mieux
vaut être le premier à se tromper plutôt que le deuxième à dire
la vérité ». Trahisons, coups fourrés tiennent en haleine jusqu’au
dernier rebondissement, la dernière réplique. Sa mise en scène tracée
au cordeau est rythmée par une musique qui reflète cette course
en avant de l’information à tout prix.
Les comédiens sont excellents. Philippe Magnan joue tout en puissance
le grand reporter rattrapé par un passé qu’il souhaiterait révolu
et qui se bat pour préserver son honneur. Frédérique Tirmont s’impose
avec finesse et distinction dans le rôle de Claire. Autrefois photographe
de guerre, elle a rompu avec ce passé mais veut à tout prix protéger
sa fille. Frédéric Van Den Driessche, le personnage noir de la pièce,
est la star du J.T qu’il interprète avec fougue. Guillaume Durieux
est parfait en jeune journaliste jouant les naïfs pour tromper son
monde. Il est accompagné dans sa quête par la délicieuse Aurore
Soudieux. Une pièce élaborée comme un thriller, parfaitement réussie.
Théâtre Tristan Bernard 8e. Pour
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