SANS FILTRE
Article
publié dans la Lettre n° 374
du
17 novembre 2014
SANS FILTRE de Laurent Baffie. Mise
en scène de l’auteur avec Laurent Baffie, Caroline Anglade, Jean-Noël
Brouté, Karine Dubernet, Pascal Sellem, Carine Ribert, Daravirak
Bun.
Le cabinet du Docteur Maxence Abadi est doté d’une mezzanine et,
doublant l’escalier, d’une barre de pompier dont la présence, au
premier abord surprenante, se révèle plutôt pratique. Coûteusement
meublés, les lieux donnent tout de suite une idée du niveau de vie
du psychanalyste qui prend congé d’une patiente affligée. Il fait
entrer un nouveau client très pressé de le consulter. Philippe Maurice,
buraliste de son état, est atteint d’un S.D.T. « syndrome
de désinhibition totale », mal dont les conséquences sont tragiques
et ne laissent aucun espoir au praticien de prendre une pause déjeuner
méritée. Depuis une semaine, en effet, Philippe Maurice ne se contrôle
plus, il n’édulcore plus ce qu’il dit à ses clients ou à son entourage.
En clair, il leur assène ce qu’il pense d’eux dans un vocabulaire
fleuri. Le résultat ne s’est pas fait attendre. Il a dû fermer boutique.
Sa femme s’étant entendu dire qu’elle était vieille, moche et grosse,
l’a quitté, et sa mère, elle aussi durement traitée, a succombé
à une crise cardiaque ! Ne sachant plus à quel saint se vouer, il
crie à l’aide. Après les questions d’usage, l’inspection des radios,
IRM et autres examens, le psychanalyste lui fait faire le test classique
des taches puis, se perdant en conjectures, le patient étant de
moins en moins patient, il demande l’avis de Bea, son épouse neurologue.
Après un examen scrupuleux des radios qui ne révèlent décidément
rien d’anormal, la jeune femme suggère de demander l’avis de leur
ami Jean-Philippe, Jean-Phil, pour les intimes… Chirurgien
renommé, celui-ci se consacre aujourd’hui aux implantations mammaires,
beaucoup plus lucratives, comme l’atteste son apparence. Pas plus
éclairés, les trois confrères se décident à demander l’avis de Ruth,
chiropracticienne de choc, puis celui de Fleur, pédopsychiatre avec
lesquels ils partagent le cabinet. Ils souhaiteraient aussi recueillir
l’avis de leur copain acuponcteur mais son téléphone reste étrangement
sur le mode répondeur. De fil en aiguille, Philippe finit par mettre
une certaine zizanie dans le groupe…
Toc Toc (Lettre 253) et Les Bonobos (Lettre
331), deux autres comédies de Laurent Baffie, avaient remporté un
énorme succès que Sans filtre confirme. L’écriture et la
mise en scène sont de la même veine. L’auteur reprend pour cible
le domaine médical. La charge est « sans filtre ». Il distille habilement
dans ses dialogues un nombre incalculable de jeux de mots hilarants
et toutes sortes de répliques qui font frémir mais qui, noyées dans
une suite effrénée de péripéties, passent comme une lettre à la
Poste. Les comédiens ainsi que l’auteur lui-même s’en donnent à
cœur joie. Rien n’est plus difficile que la chute. Elle est diablement
bien trouvée! Théâtre Fontaine 9e. Pour
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