
LA
SAINTE CATHERINE
Article
publié dans la Lettre n° 252
LA SAINTE CATHERINE de Stéphan Wojtowicz.
Mise en scène José Paul et Agnès Boury avec Philippe Magnan, Guillaume
de Tonquedec, Didier Brice, Caroline Maillard.
1918, c’est la fin de la guerre. A l’arrière, dans un hôtel transformé
en hôpital pour la circonstance, une partie de la France panse ses
plaies. Membres déchiquetés, visages ravagés, les soldats sont répartis
sur les trois étages, le dernier étant l’antichambre de la mort.
Poilus embarqués dans la même tragédie, ceux qui vont survivre tentent
d’effacer l’horreur qui les taraude encore dans leurs cauchemars,
pour envisager un avenir incertain. Alphonse Plumet est de ceux-ci.
Simple soldat, la guerre lui a ravi son pied sur le Chemin des Dames
en même temps que tous ses frères. Pas de chance pour la mère. Selon
lui, il était le moins réussi de la portée ! Un peu moins mal en
point que les autres, il est en faction au rez-de-chaussée, sous
l’œil vigilant de Catherine, l’infirmière de service. Efficace mais
péremptoire, elle ne compte ni ses heures ni ses pas et si elle
compatit à la douleur des poilus, elle adresse un mépris à peine
voilé à l’égard de ceux restés prudemment à l’arrière. Dans cet
hôtel, lieu de douleur où naguère flottait un parfum d’insouciante
fortune, le capitaine Martin Cazeaux pare au plus pressé. Médecin-chef
débordé, ses patients ne sont plus des hommes mais de la chaire
à recoudre ou à ensevelir. L’arrivée soudaine de Gilbert Grancouraud,
sculpteur injustement méconnu, va le surprendre et l’inquiéter.
Officiellement mandaté, ce dernier est chargé de réaliser un monument
aux morts en hommage à une génération entière, exterminée par la
folie des hommes.
Si la pièce de Stéphan Wojtowicz retrace l’épilogue de la grande
guerre dans le lieu clos d’un hôpital de fortune, elle pourrait
être le théâtre de n’importe quelle autre, le sujet se focalisant
sur la création du symbole hypocrite de la patrie reconnaissante
et les réactions que son élaboration suscite chez des hommes qui
ne sont que des hommes, identiques d’un conflit à l’autre. L’écriture
ironique et caustique décrit forces et faiblesses. Le discernement
et la compassion s’opposent à l’orgueil et à la suffisance et expriment
parfaitement les défauts de la nature humaine mais aussi ses qualités,
sources d’espoir.
José Paul et Agnès Boury mettent parfaitement en scène les différents
acteurs de ce huis-clos intense. Très à l’aise dans les rôles qui
leur sont dévolus, les comédiens font merveille. Didier Brice est
magnifique en poilu ahuri mais plein de bon sens, Caroline Maillard,
ravissante et émouvante, apporte au rôle de Catherine son apparente
fragilité. Philippe Magnan, capitaine opportuniste, fait face avec
une superbe efficacité à Guillaume de Tonquedec, excellent en artiste
imbuvable. Petit Théâtre de Paris 9e.
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