LA SAINTE CATHERINE

Article publié exclusivement sur Interrnet avec la Lettre n° 370
du 16 juin 2014


LA SAINTE CATHERINE de Stéphan Wojtowicz. Mise en scène Pierre-Hippolyte Pénet avec Pauline Sombstay, Corentin Bélan, Timothée Emery, Pierre-Hippolyte Pénet (Cie de la Dive Bouteille).
1918. La France a gagné la Grande Guerre, mais à quel prix ! Elle enterre depuis quatre ans ses soldats, panse les plaies des autres, poilus miraculeusement épargnés, amputés et gueules cassés que l'on voudrait oublier. À l'arrière, un hôpital de fortune a été installé dans un hôtel, un lieu où l'on respirait autrefois l'odeur de l'insouciance et où flotte aujourd'hui celle pestilentielle de la mort. Le capitaine Martin Cazeaux, médecin militaire, va et vient entre ce que fut la réception, et les trois étages où il a cantonné les blessés selon leur état. Il les voit chaque jour arriver plus nombreux, impuissant à les secourir tous. Un certain désabusement s'est emparé de lui, même s'il lui reste un peu d'humanité pour apprécier les charmes de Catherine, l'unique infirmière, sanglée dans son uniforme immaculé, qui s'affaire avec un dévouement et une autorité sans faille. Elle prodigue plus particulièrement ses soins à un poilu en faction dans l'ex-réception, lui recommandant en passant de s'asseoir afin de ne pas laisser la gangrène s'installer dans ce qui lui reste de jambe. Alphonse Plumet est l'un des rares soldats à peu près valides. Il a juste laissé son pied sur le Chemin des Dames. Il remémore cette blessure avec des détails dont se passerait volontiers Gilbert Grancouraud. Sculpteur de son état, celui-ci survient dans un monde dont il ignorait, semble-t-il totalement les effrois. Il requiert avec véhémence l'attention du capitaine Cazeaux. Après l'avoir envoyé promener, celui-ci finit par lui prêter attention lorsque Grancouraud lui annonce avec une fierté non dissimulée, qu'il est officiellement mandaté par le Ministère de la Guerre pour réaliser une œuvre d'art, un monument aux morts qui sera érigé sur la place et inauguré en grande pompe. Il réclame un modèle en état de poser. Ne voyant personne pour se prêter à ce genre d'élucubration, le capitaine lui propose les bons offices de Plumet. Après bien des histoires, l'artiste, peu convaincu, accepte. Alphonse, lui, n'a pas le choix. Entre les allées et venues et les séances de pose, chacun laisse échapper des bribes de son passé ou réfléchit aux perspectives d'avenir. Amoureux transi, le capitaine Cazeaux parvient à vaincre sa timidité pour se déclarer à Catherine, mais la jeune femme nourrit d'autres desseins. Le soldat Plumet est conscient des lendemains incertains qui s'offrent à lui. Démobilisé, il ne voit d'autre solution que de rentrer chez la mère, seul survivant des fils morts pour la patrie, lui le mal aimé, « le plus couillon » des quatre.
Le jour de la sainte Catherine est celui d'une inauguration qui tourne au désastre, mais ce n'est plus pour Plumet un beau jour pour mourir, c'est un beau jour pour vivre et, peut-être, pour aimer.
Selon Jorge Luis Borges, la vérité historique n'est pas… ce qui se passe ; c'est ce que nous pensons, qui s'est passé. Il en est de même pour les thèmes suggérés dans une œuvre. Pierre-Hippolyte Pénet privilégie la légèreté plutôt qu'une critique de l'hypocrisie de la patrie reconnaissante ou la lâcheté de ceux prudemment restés à l'arrière. Sa mise en scène rigoureuse et sa direction d'acteurs exploitent toutes les qualités de cette pièce très enlevée. Déjà remarquée pour la création de la comédie de Jean Marsan, Interdit au public, la Compagnie de la Dive Bouteille fait preuve d'un véritable professionnalisme. Pierre-Hippolyte Pénet excelle dans le rôle du capitaine Cazeaux. Pauline Sombstay et Timothée Emery sont très convaincants. Corentin Bélan révèle un vrai talent dans le rôle le plus difficile, celui d'Alphonse Plumet. Théâtre Montansier, Versailles 78. Pour voir notre sélection de visuels, cliquez ici.


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