RUE DE BABYLONE

Article publié dans la Lettre n° 233


RUE DE BABYLONE de Jean-Marie Besset. Mise en scène Jacques Lassalle avec Samuel Labarthe et Robert Plagnol.
La période de Noël a toujours quelque chose de dérangeant pour la conscience du nanti. Il fait froid en cette nuit de décembre lorsqu’un patron de presse B.C.B.G. pousse la porte d’entrée du bel immeuble haussmannien où il a installé sa petite famille. Il est tard, tout dort, c’est pour toutes ces raisons qu’il laisse entrer le S.D.F. qui vient de l’aborder pour quémander quelques pièces puis l’autorisation de dormir dans le hall. Après quelques hésitations et quelques mots échangés, l’homme accepte puis s’éclipse, mais redescend bientôt avec un plateau repas. Entre le patron de presse de gauche vaguement catho et ce mendiant au bout du rouleau, mais qui semble avoir eu un passé intellectuel certain, une curieuse conversation s’engage: le manteau de Saint-Martin, le loup et le chien de La Fontaine, la lutte des classes, drôle d’endroit pour refaire le monde. Mais la conversation dérape et aborde un sujet plus intime. Le clochard semble savoir bien des choses sur cet homme fortuné qui en apparence possède tout pour être heureux. Leur rencontre n’est pas le fait du hasard, elle est le fruit d’une raison bien précise, une femme, Gaby.
Entre l’adaptateur d’oeuvres théâtrales américaines telles que Trois jours de pluie (Lettre 232), et l’auteur d’une bonne douzaine de pièces déjà, on ne présente plus Jean-Marie Besset dont le nom est en ce moment bien haut sur les affiches des théâtres parisiens. Si sa première oeuvre, Villa Luco, entretien entre le Général de Gaulle et le Maréchal Pétain, avait révélé un très jeune auteur, Rue de Babylone confirme un talent dans toute sa maturité. Ce huis-clos entre deux hommes a pour cadre un hall d’immeuble (un coup de chapeau à Alain Lagarde pour le formidable décor), lieu aussi insolite que l’affrontement des deux hommes que tout oppose mais qui s’explique par le dévoilement du lien les unissant malgré eux. Jean-Marie Besset se livre ici à un véritable exercice de style. Il faut admirer à sa juste valeur la profondeur des dialogues, incisifs, concis et intelligents, dévoilant peu à peu, par petites touches, le fond de l’histoire.
Si Jacques Lassalle, déjà metteur en scène pour Villa Luco, orchestre ce duel avec une formidable intensité, Samuel Labarthe et Robert Plagnol sont les partenaires époustouflants et inspirés de cette passe d’armes éblouissante. Petit Montparnasse 14e.


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