ROMÉO ET JULIETTE
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
334
du
26 décembre 2011
ROMÉO ET JULIETTE de Shakespeare.
Adaptation Cécile Leterme. Mise en scène François Ha Van. Avec William
Dentz, Sophie Garmilla, Sylvain Savard, Julie Quesnay. En alternance
Stéphanie Germonpré, Victoria Érulin, Laurent Suire, Grégoire Bourbier,
Rafaël Reves, Grégory Corre, Loïc Samar, Jérôme Aubert, Guillaume
Tagnati, Thibaut Couillard, Benoît Bertran de Balanda et les musiciens
Marie Tournemouly, Julie Quesnay, Raphaëlle Sahler, Stéphanie Germonpré,
Victoria Érulin,Thibaut Couillard.
Nul besoin de présenter les jeunes amants, Roméo et Juliette, l'absurde
vendetta entre Montaigu et Capulet, le gâchis inexpiable des cinq
jeunesses fauchées.
Témoin et acteur de cette ineptie, le Frère Laurent se fait le conteur
hors du temps de la bêtise humaine, vindicative et meurtrière, qui
saccage la beauté et l'innocence des amours naissantes. Mercutio
cabriole et joue les bouffons, Roméo change de passion comme d'humeur,
Juliette noie son immaturité dans le tourbillon du premier flirt,
sa mère se débarrasse d'une rivale périlleuse, son père la vend
sans vergogne. La jeunesse désœuvrée s'entre-massacre. Nul n'y trouve
grâce.
Dans un espace scénique très dépouillé, noir et poudreux, on danse,
virevolte, se heurte et se frôle, se caresse et se meurtrit, s'insulte
et se poignarde, avec les mots, avec les gestes, avec les coups.
Le tout sur les rythmes langoureux, lancinants, stimulants, des
voix qui se déchirent, s'empoignent, se violent, sous-tendues par
l'accordéon, le violoncelle et la guitare. Impossible respiration
au bord de l'asphyxie, qui nous traîne inexorablement de la légèreté
de l'escarpolette vers la traîtrise des poignards subreptices, de
la sensualité des amours clandestines vers la révolte des désastres
et la froideur silencieuse des cryptes. Dans cette spirale sans
rime ni raison, la force définitive de Shakespeare est de ne permettre
à personne, personnages comme spectateurs, de s'en sortir indemne.
Tous coupables, par jalousie, pusillanimité, sensualité perverse,
rivalité dans la veulerie, concupiscence et appétit rapace, tous
handicapés de la beauté et de la tendresse. Tous désespérément stériles,
partout et pour toujours. Terrible résonance d'une actualité si
troublante… Théâtre du Lucernaire 6e. A.D.
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