ROMEO ET JULIETTE
Article
publié dans la Lettre n° 364
du
10 février 2014
ROMEO ET JULIETTE de William Shakespeare.
Adaptation Pierre-Alain Leleu et Nicolas Briançon. Mise en scène
Nicolas Briançon. Dramaturgie Julie-Anne Roth avec 24 comédiens
et musiciens dont Ana Girardot, Niels Schneider, Valérie Mairesse,
Bernard Malaka, Dimitri Storoge, Cédric Zimmerlin, Bryan Polach,
Charles Clément, Valentine Varéla, Mas Belsito, Pierre Dourlens,
Pascal Elbo, Adrien Guitton, Come Lesage, Geoffrey Dahm, Eric Pucheu.
La haine que se vouent les Capulet et les Montaigu semble filtrer
par les interstices des hauts murs de Vérone. Elle est attisée par
les jeunes générations qui la perpétuent. Rixes et bagarres sont
le lot quotidien de cette jeunesse exaltée. Roméo Montaigu, l’un
d’entre eux, est pour le moment tout à une amourette qui lui résiste,
sourd aux railleries de ses amis. Mais une fête se prépare. Les
prérogatives des parents ne s’occupent guère des sentiments des
enfants. Ceux-ci disposent de leur avenir sans leur consentement.
Le père Capulet, est pressé de marier sa fille Juliette à Paris,
un prétendant qu’il estime, alors que celle-ci n’a pas encore quatorze
ans. Le mariage a beau être un honneur auquel Juliette ne pense
pas, elle doit s’y résoudre sur les conseils de sa mère et de sa
nourrice. Tout Vérone se presse à la soirée organisée par les Capulet
pour nouer cette union. Poussé par sa bande, Roméo s’y invite et
découvre ébloui cette jeune fille qu’il ne connaissait pas. Juliette
tombe elle aussi sous le charme. Leur coup de foudre scelle leur
avenir. Jeunes mais rebelles, Roméo et Juliette n’entendent pas
obéir. Ils veulent vivre leur amour. Avec la complicité de Frère
Laurent, ils bravent la décision paternelle en se mariant secrètement.
Mais Roméo tue le cousin de Juliette qui l’avait provoqué. Son bannissement
précipite dans le drame le destin des amants.
La célèbre pièce de Shakespeare est l’extraordinaire miroir d’une
société avec ses codes et ses sentiments. Haines ancestrales, importance
de l’honneur et de la religion, poids de la famille et des conventions
machistes face à la passion contrariée et à la révolte.
Nicolas Briançon et son équipe foisonnent d’idées. Le décor fait
de hauts murs coulissants, de fenêtres jalousement closes, permet
une succession rapide des scènes et rend palpable l’enfermement
et l’impossibilité pour cette jeunesse de suivre son cœur plutôt
que la raison. L’unique solution pour échapper au diktat parental
est de répondre par la rébellion. L’adaptation traduit au plus près
la langue shakespearienne faite de dialogues truffés de réflexions
lestes, voire grossières et empreinte de réparties violentes ou
de moments plus tendres. Les scènes de combats et la modernité des
costumes cravates, lunettes noires et Borsalino, suggèrent une atmosphère
de clan, chère aux films de Deray, Verneuil ou Coppola. Cet anachronisme
souligne l’intemporalité de l’œuvre. Ne se défie-t-on pas toujours
entre bandes pour un territoire ou pour les beaux yeux d’une fille?
Quel avenir proposent ou imposent encore aujourd’hui certains parents
à leur enfants ? Théâtre de la Porte Saint-Martin 10e. Pour
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