ROMANCE

Article publié dans la Lettre n° 253


ROMANCE de David Mamet. Adaptation et mise en scène Pierre Laville avec Bernard Alane, Mathieu Bisson, Yves Gasc, Eric Laugérias, François Delaive, Eric Théobald, Stéphane Cottin.
Dans une cour de justice new-yorkaise, un accusé juif et ostéopathe comparait pour un délit obscur et sans doute avéré, défendu par un avocat évangéliste et poursuivi par un procureur homosexuel. Au même moment se tient à New-York une conférence sur la paix qui met la ville en ébullition et retarde l’arrivée d’un juge quelque peu hypocondriaque. La consommation immodérée de médicaments provoque chez lui un comportement bizarre. Ses propos ne laissent pas de surprendre et désarçonnent les différents acteurs du tribunal. La séance commence, rythmée par les questions insidieuses du procureur qu’esquive plus ou moins habilement l’accusé, ce qui déconcerte puis énerve son avocat. Les débats dérapent sur des considérations qui empiètent sur la vie privée de certains d’entre eux ou sur des questions plus générales : Shakespeare était-il juif, homosexuel ou les deux ? Quelle est la différence entre un podologue et un ostéopathe et ce dernier est-il capable de trouver le moyen de ramener la paix au Proche-Orient ?
Connu depuis une trentaine d’années aux Etats-Unis, le théâtre de David Mamet a franchi l’Atlantique dans les années quatre-vingt, grâce à des adaptateurs tels que Pierre Laville qui a traduit treize de ses pièces, et à des metteurs en scène comme Marcel Maréchal qui créa Glengarry Glen Roos en 1985 à la Criée puis American Buffalo en 1986. Habitué au théâtre plus réaliste d’un Arthur Miller, le public français mit un certain temps à apprécier l’univers dérangeant de cet auteur inclassable qui « se nourrit du monde dans lequel nous vivons » et dénonce les méfaits d’une société où ne règnent plus que guerre et commerce, afin d’éveiller les consciences. Si d’après Pierre Laville, Edmond reste le chef-d’œuvre de Mamet, Romance représente encore plus que ses autres pièces « la métaphore de l’effondrement du rêve américain ». L’auteur épingle avec causticité une certaine société, celle de la perversité, de la violence et de l’ignominie. La religion, la justice, le corps médical, le monde des fonctionnaires sont épinglés d’une plume jubilatoire, parfois outrancière. Pierre Laville parvient à traduire le langage « littéraire populaire » de l’auteur, à la fois sophistiqué et décalé. Son adaptation préserve avec bonheur le ton provocateur où tout semble permis. Mais sous la satire percent cependant l’angoisse, la désillusion et le découragement dont l’éternel conflit au Proche-Orient est le triste exemple. Sept grands comédiens se font face pour dégager et exprimer tous ces sentiments, plongés dans l’extravagance corrosive de ce huis-clos déjanté. Leur talent commun fait merveille. Théâtre Tristan Bernard 8e (01.45.22.08.40).


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