LE ROI NU

Article publié dans la Lettre n° 248


LE ROI NU de Evguéni Schwartz dans une nouvelle traduction d’André Markowicz. Mise en scène Laurent Pelly, scénographie Chantal Thomas avec Grégory Faive, Audrey Fleurot, Emmanuel Daumas, Rémi Gibier, Gaëtan Lejeune, Eddy Letexier, Laurent Meininger, Karim Qayouh, Jérôme Ragon, Patrick Zimmermann.
Même s’il n’est qu’un porcher, Henri est jeune, beau et il possède surtout une arme secrète, un chaudron qui parle et chante. La princesse Henriette est amoureuse. Rien ni personne ne lui ôtera l’ardeur de ce sentiment, pas même le roi son père, qui, inquiet de cette inclination, décide de l’unir au roi voisin, vieux, chauve et gros. Henriette part la mort dans l’âme avec, dans ses armes et bagages, un chambellan retors et une gouvernante étrangère très méchante. A l’arrivée dans son nouveau royaume, l’accueillent un ministre des tendres sentiments, un bourgmestre, et cetera… Les préparatifs du mariage vont bon train, même si les origines et le passé de la jeune princesse sont étudiés avec soin. Reste aussi à confectionner l’habit du roi. C’est là qu’entre en jeu l’ingéniosité d’Henri et de son copain Christian afin de faire capoter le mariage ...
Contemporain d’Anton Tchekhov et auteur plein de fantaisie de contes pour enfants, Evguéni Schwartz (1896-1958) n’eut pas alors, et à tort, la même notoriété. Il était perpétuellement censuré, car incompris par les fonctionnaires du régime, décidés à imposer aux enfants une littérature réaliste bannissant le merveilleux, et soupçonneux face aux autres œuvres de l’auteur, L’Ombre ou Le Dragon (voir Lettre 219) entre autres. Evguéni Schwartz s’inspira des contes d’Andersen pour écrie le Roi nu. Il utilisa le même principe pour construire cette fable pour adultes sur le pouvoir totalitaire et ses dérives. Sa pièce fût interdite avant même sa création par les autorités soviétiques qui croyaient à une satire de leur propre pays alors que Schwartz décrivait le régime hitlérien.
André Markowicz traduit brillamment les subtilités de la langue, véritable «langage à tiroirs» où, derrière des répliques apparemment banales, se cache un langage à double sens, à la fois comique et satirique. Laurent Pelly, et sa mise en scène dynamique et ludique, Chantal Thomas et sa scénographie ingénieuse et bourrelée d’idées, exploitent fort bien l’ingéniosité des dialogues mais aussi le comique des situations emprunté au monde du cirque, du Music-hall, du guignol et du cinéma. Le décor aux multiples portes et tiroirs et aux murs capitonnés, à l’instar de certaines cellules d’asiles d’aliénés, répond parfaitement aux nécessités scéniques dont savent jouer les comédiens. Ceux-ci, interprétant pour la plupart plusieurs rôles, sont fantastiques. On remarquera le jeu aérien et tout en finesse d’Audrey Fleurot, adorable princesse, celui nuancé de Karim Qayouh et de Jérôme Ragon, facétieux Henri et Christian. Eddy Le Texier campe à lui seul et avec maestria trois rôles dont celui d’un roi nu qui n’a pas froid aux yeux… ni ailleurs d’ailleurs! Athénée Théâtre Louis-Jouvet 9e.


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction