RICHARD
III
Article
publié dans la Lettre n° 246
RICHARD III de William Shakespeare.
Mise en scène Philippe Calvario avec 18 comédiens dont Philippe
Torreton, Martine Sarcey, Jean-Luc Revol, Nicolas Chupin, Martial
Jacques, Régis Laroche, Anne Bouvier, Florence Giorgetti, Marie-Christine
Letort, Maximilien Muller, Alexandre Styker.
Richard, Duc de Gloucester, a l’âme aussi difforme que son physique.
Le boiteux est diaboliquement intelligent, manipulateur de génie.
Il sait se servir des disgrâces dont l’a doté une nature impitoyable.
Richard a un désir viscéral de revanche et de puissance. Il veut
la couronne d’Angleterre. Mais entre son royal frère Edouard IV
et lui, beaucoup de gêneurs le précèdent sur la liste de succession
au trône. Tout est bon pour ceindre la couronne royale: meurtres,
incarcérations, séduction fatale. Richard de Gloucester devient
Richard III, un roi qui règne d’une main de fer sur un royaume en
guerre. Le pays est divisé par la guerre des deux Roses qui oppose
la maison royale de Lancastre et la maison royale d’York. Richard
meurt au champ d’honneur, Henri VII lui succède.
Richard III est un personnage complexe et assez périlleux pour les
comédiens. Sa monstruosité physique est une pente dangereuse si
l'on n’y prend garde, l’excès étant de charger la caricature. Ce
caractère démesuré doit être endossé par un comédien chevronné.
Richard est un être sauvage qui a le charme ambigu de la laideur.
Philippe Torreton est un comédien entier, physique. La difformité
de Richard est dans le costume, la rage dans le verbe, la sauvagerie
dans les gestes. La prestation de Philippe Torreton est tout en
force, volontiers théâtrale, mais à laquelle il manque la séduction.
Or, Richard doit séduire pour se réaliser. Le comédien campe un
roi très rock’n roll. Des images rouge sang marqueront longtemps
les spectateurs, que ce soit la marche des courtisans claudiquant
comme leur roi, ou les croix piquées au fur et à mesure des meurtres.
Philippe Calvario monte Richard III dont la toile de fond historique
est vraie avec une distance élisabéthaine. On sait les libertés
que le grand dramaturge prend avec l’histoire. Le spectacle est
hautement visuel, l’équipe de Philippe Calvario n’a pas lésiné sur
les moyens. Si nous sommes assez sceptiques sur la connexion peu
convaincante avec les samouraïs, en revanche, la descente aux enfers
de Richard, rendue par l’évolution scénographique, cerne bien la
psychologie du personnage qui s’enferme dans la crainte des autres.
Dans la nombreuse distribution qui peuple cette cour sanglante,
Jean-Luc Revol fait un parcours sans fautes avec, entre autres,
un lord-maire impayable. La révélation du spectacle est Nicolas
Chupin qui interprète le duc Buckingham, personnage clef de la pièce.
Le spectacle dure 3h45 mais le spectateur ne joue pas la montre
car la mise en scène tout en force de Philippe Calvario l’entraîne
dans ce récit « plein de bruit et de fureur ». Monté comme un opéra
rock, il suscite les réactions les plus vives. Tant mieux, Richard
III n’aime que la démesure. Théâtre Nanterre-Amandiers 92.
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