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            LA 
              RETRAITE DE RUSSIE  
            Article 
              publié dans la Lettre n° 266 
               
             
            LA RETRAITE DE RUSSIE de William Nicholson. 
              Adaptation française Gérald Sibleyras. Mise en scène John R. Pepper 
              avec Catherine Rich, Pierre Santini, Julien Rochefort.  
              Tout au fond de la scène, la campagne anglaise se transforme au 
              fil des saisons. Sur le devant, un living très cosy. Confortablement 
              installé dans son fauteuil, Edouard, professeur d’histoire, est 
              plongé dans un livre sur la retraite de Russie. L’arrivée de son 
              fils interrompt sa lecture passionnée. Le travail très prenant de 
              Jimmy à Londres ne lui permet que des visites courtes et épisodiques, 
              mais il semble que ce fils unique s’en accommode fort bien, certainement 
              mieux que ses parents. Quelques phrases d’usage et banales et le 
              père reprend sa lecture tandis que le fils s’installe. L’arrivée 
              d’Alice suspend d’un coup la paix du home sweet home. Visiblement 
              stressée, elle déverse un déluge impressionnant de paroles pour 
              raconter son voyage homérique dans quelque zone industrielle délirante, 
              à la recherche d’un réparateur pour son imprimante, puis morigène 
              son époux qui, selon elle, n’a pas posé les bonnes questions au 
              fils chéri. Edouard et Alice vont fêter leurs trente-trois ans de 
              mariage et à considérer Alice, on se demande bien pour quelles raisons 
              Edouard n’a pas pris plus tôt la poudre d’escampette ! « Elle n’est 
              pas folle mais tu admettras tout de même qu’elle est particulière 
              », lance le père à son fils qui tente de calmer les esprits. Notre 
              question ne reste pas longtemps sans réponse. Edouard confie bientôt 
              à Jimmy qu’il a rencontré une autre femme. Il est amoureux et donc 
              décidé à quitter Alice. Impuissant, Jimmy va assister les mois suivants 
              à la séparation de ses parents, ressentie par sa mère comme un assassinat 
              : « Tu as commis un meurtre et personne ne s’en est aperçu. Je n’ai 
              plus qu’à me tuer, comme ça tout le monde le saura ». Pourra-t-elle 
              faire face à la peine et à la solitude, sortir de la dépression 
              dans laquelle elle s’enfonce et reprendre goût à la vie en terminant 
              l’anthologie de la poésie qu’elle avait si bien commencée ?  
              Oscillant entre drame et comédie, William Nicholson brosse le portrait 
              très juste d’un couple qui a passé la moitié de sa vie ensemble 
              mais que le cours tumultueux a usé. Il décrit avec perspicacité 
              les sentiments de chacun et offre quelques très beaux moments, lorsqu’ 
              Alice décrit sa nouvelle solitude ou lorsque Jimmy, en un superbe 
              monologue, parvient à trouver les mots pour retenir sa mère à la 
              vie. Pierre Santini prête sa silhouette massive à Edouard et exprime 
              avec talent l’imprévisible et soudaine volte face de son personnage 
              qui cherche plutôt à expliquer qu’à justifier sa désertion, ayant 
              seulement la certitude d’être monté « dans le mauvais train » sans 
              avoir eu jusque-là le courage d’en changer. Sa décision prise, la 
              fermeté avec laquelle il conduit sa nouvelle vie est remarquablement 
              mise en valeur par ce grand comédien. Catherine Rich a le rôle le 
              plus ingrat. Elle doit se montrer agaçante, insupportable même, 
              mais sans excès, désespérée, sans tomber dans la caricature. Elle 
              possède le charme et la présence nécessaires pour éviter ces écueils. 
              Entre les deux Julien Rochefort incarne le fils, aimant son père 
              et respectant son choix, aimant sa mère et s’efforçant de lui insuffler 
              le courage de continuer la route. Il fait savamment évoluer les 
              sentiments cachés de son personnage vers cette déclaration d’amour 
              à sa mère où il se montre vraiment émouvant. Une très belle démonstration 
              de l’un des plus grands maux de notre société. Petit Montparnasse 
              14e. 
             
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