LA
REINE DE BEAUTE DE LEENANE
Article
publié dans la Lettre n° 214
LA REINE DE BEAUTE DE LEENANE de Martin
McDonagh. Adaptation et mise en scène Gildas Bourdet avec Marianne
Epin, Isabelle Sadoyan, Lorànt Deutsch, Vincent Winterhalter.
Une masure à l’écart de Leenane, petite ville du Connemara, mangée
par la verdure et trempée par la pluie incessante, le décor aussi
superbe qu’impressionnant d’Edouard Laug et de Gildas Bourdet est
planté. Maureen y habite seule avec Mag, sa mère. Le père est mort,
les soeurs mariées. La vie n’est pas rose pour cette jeune femme
de quarante ans qui n’a pas eu la chance de trouver l’âme soeur.
Les journées se succèdent, mornes et ponctuées par le travail incessant,
l’insondable ennui de la campagne sous la pluie et le poids de plus
en plus lourd d’une mère acariâtre et exigeante. Les distractions
sont rares. Aussi, lorsque Ray vient convier Maureene à une fête,
accepte-t-elle avec empressement. Ce sera pour elle l’occasion de
s’évader du quotidien, mais surtout de revoir Pat, le frère de Ray.
A l’issue de la fête, Pat passe la nuit chez Maureen, au grand dam
de Mag. Il doit repartir le lendemain pour l’Angleterre où il travaille,
mais promet d’écrire. Les semaines passent sans nouvelles, la vie
sans illusions reprend pour Maureen. Pat finira cependant par écrire
la lettre qui contient tout l’avenir de Maureen. Mais celle-ci peut-elle
se permettre de rêver? La Reine de beauté de Leenane est
la première pièce d’une trilogie qui comprend Une tête de mort
au Connemara et L’ouest solitaire, excellente pièce,
objet d’un article (Lettre n°209). Anglais mais d’origine
irlandaise, Martin McDonagh y brosse un tableau édifiant de l’Irlande,
écrit à partir des histoires que lui racontait sa famille. Si l’Ouest
solitaire privilégiait les relations masculines, et en particulier
celles de deux frères, La Reine de beauté de Leenane met
en scène les relations complexes d’une mère et de sa fille et les
conséquences qu’elles entraînent sur leur vie sociale. On est époustouflé
par le talent de ce jeune auteur qui, d’une pièce à l’autre, parvient
à cerner de façon différente mais tout aussi passionnante les caractères
masculins et féminins dans des moments de vie dans l’Irlande profonde.
Avec une économie de langage qui correspond au niveau intellectuel
de ses personnages Martin Mc Donagh cerne avec justesse et perspicacité
les rapports compliqués mère-fille: les frustrations, les aigreurs
et la méchanceté de la mère, la rage et la rancune mêlées de culpabilité
de la fille qui se transforment peu à peu en rejet puis en haine.
Les dialogues caustiques et durs, les scènes violentes, montrent
les aspects d’une société qui ne laisse pas de surprendre. Les deux
rôles sont brillamment campés par Isabelle Sadoyan, Mag remarquable,
et par Marianne Epin, Maureen émouvante dans son désespoir et sa
lucidité. Lorànt Deutsch et Vincent Winterhalter complètent la distribution
avec talent. Le souhait de découvrir le dernier volet de cette trilogie
se fait encore plus pressant. Théâtre de l’Ouest Parisien-Boulogne-Billancourt
92 (01.46.03.60.44) jusqu’au 28 mai 2003.
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