REGARDEZ MAIS NE TOUCHEZ PAS!
Article
publié dans la Lettre n° 345
du
29 octobre 2012
REGARDEZ MAIS NE TOUCHEZ PAS! de Théophile
Gautier. Mise en scène Jean-Claude Penchenat avec Alexis Perret,
Damien Roussineau, Paul Marchadier, Samuel Bonnafil, Chloé Donn
ou Jeanne Cogny, Flore Gandiol, Sarah Bensoussan ou Judith Margolin.
Ah, l’infortuné sauveur d’une Reine d’Espagne, qui encourt l’ingratitude
d’une étiquette de Cour absurde ! Tout attouchement de la royale
personne, même pour lui sauver la vie, sera puni de mort, qu’on
se le dise… Et le brave Don Gaspar se voit ainsi poursuivi par les
vindicatifs alguazils. Une Cour espagnole ne peut regorger que de
types de personnages hauts en couleurs, excessifs et caricaturaux :
une fille d’honneur prête à donner, un peu inconsidérément, sa main
au généreux héros, une suivante ardente qui sacrifierait sans vergogne
sa virginité en échange d’un mariage, une Reine d’Espagne mutine,
sans doute parce que Florentine, un Maître des Cérémonies obséquieux
et matois, un neveu fierabras et gourmand sans scrupule. Quiproquos,
mensonges, trahisons mènent une course endiablée, aussi drôle que
convenue, les déclarations enflammées se trompent d’objet, les petits
coqs se défient. La clémence et les mariages prévisibles sont au
bout de l’aventure.
Théophile Gautier, si friand d’intrigue théâtrale, concocte un savoureux
cocktail de héros romantique façon Ruy Blas et Don Quichotte, de
Matamore que ne désavouerait pas Corneille, de Reine hugolienne,
de soubrette à la sauce de Molière, de courtisan non moins hugolien.
Mais sa grande inventivité, en toute liberté parodique, tient au
personnage du témoin, Désiré Reniflard, hors du temps tout autant
qu’impliqué dans le déroulement de ce drame en trois journées.
Si l’« espagnolité » est rendue par quelques accessoires sans équivoque,
gilets, casques, peignes, voilette, musique, l’espace scénique est
dépouillé à l’extrême, matérialisé par un mur du fond en carton-pâte
fendu des trois portes rituelles. Et l’originalité, irrésistiblement
comique, tient à la mise en scène, au sens propre, des artifices
utilisés pour pallier l’absence volontaire de décors réalistes.
Bruitages autant suggestifs qu’efficaces, exercices de foule, auxquels
se livre le fameux Désiré Reniflard, qui est à la fois ostensiblement
figurant, accessoiriste, metteur en scène de ce délire jubilatoire.
Et si les épées des duels sont sonores, les bruits vespéraux propres
à terrifier ces âmes féminines, le public en perçoit avec force
rires la trivialité d’effets spéciaux !
Les acteurs sont excellents, souples et chorégraphiques, le temps
file à tire de fleurets, et on contemple avec l’émerveillement de
l’enfant les pirouettes verbales et combatives des capes qui volent
et des épées qui tuent pour ces rires de jubilation. Théâtre
du Lucernaire 6e. A.D.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Fermez
cette fenêtre ou mettez-la en réduction pour revenir
à « Spectacles Sélection »
|