RECEPTION

Article publié dans la Lettre n° 283


RECEPTION de Serge Valletti. Mise en scène Christophe Correia avec Claire Nebout, Jean-Claude Dreyfus.
Un hôtel minable où tout est bancal, de guingois. Le portier de nuit se prépare à passer une longue nuit de demi veille. Il a une bonne cinquantaine, l’air bourru de celui qui ne veut pas être dérangé. Au premier coup d’œil, le moins avisé des observateurs sait qu’il n’est pas au Ritz. Un trentenaire à la mâle assurance fait irruption. Il veut une chambre. Très vite ce client devient importun. Il bouscule la routine nocturne du réceptionniste. Qui est ce Monsieur Jack qui n’arrête pas de déranger avec des commandes somme toute légitimes dans un hôtel ? Il veut des serviettes propres, du champagne. Alors qu’il est sorti pour se sustenter, une jolie blonde vient le demander. Elle n’a pas froid aux yeux et réveille complètement un réceptionniste émoustillé qui croit reconnaître un sourire de son passé. Mais, attention, Monsieur Jack est peut-être jaloux.
Entre Serge Valletti et Christophe Correia, il y a une rencontre fusionnelle qui donne de la chair au verbe. Christophe Correia se sent en harmonie avec la prose parfois emphatique de Valletti, avec cette poésie décalée qui ne dédaigne pas les rimes de potaches. Réception est un polar pour trois personnages. Christophe Correia a soufflé à l’auteur son idée de refondre la pièce pour deux comédiens et la nécessité d’écrire des monologues pour permettre les changements de costumes. Jean-Claude Dreyfus se délecte dans ces monologues ronds et anguleux, tout à la fois, du pur Valletti. Il est un comédien de la démesure, mais ici, il bougonne mais ne tonitrue pas, il cache sous son marcel sale, un solitaire dépité. Du grand Dreyfus. L’idée de Christophe Correia qui est l’épine dorsale de sa mise en scène, est de confier le rôle de Jack et de la femme à la même comédienne. Il confie ce défi à Claire Nebout. Mettez un complet veston à Claire Nebout et elle sera toujours une femme fatale. Il fallait travailler physiquement le rôle, étudier la démarche, les attitudes, les intonations d’un jeune homme, le résultat est étonnant. Jack, le jeune homme brun et la belle incendiaire sont deux compositions étourdissantes de Claire Nebout qui enflamme la scène. Du choix des costumes au décor et aux lumières parfaitement bien réglées, tout est mis en œuvre pour nous plonger dans une ambiance à la Dashiel Hammett. Réception est un polar imprégné d’alcool, de sueur, de désir, de vengeance. Une réussite captivante. Théâtre des Mathurins 8e.


Retour à l'index des pièces de théâtre

Nota: pour revenir à « Spectacles Sélection » il suffit de fermer cette fenêtre ou de la mettre en réduction