RACE
Article
publié dans la Lettre n° 337
du
27 février 2012
RACE de David Mamet. Adaptation et
mise en scène Pierre Laville avec Yvan Attal, Alex Descas, Sara
Martins, Thibault de Montalembert.
La nouvelle fait la une de tous les quotidiens. Charles Strickland,
citoyen américain très en vue, est accusé d’avoir violé une jeune
femme dans la chambre d’un hôtel. La jeune plaignante est noire.
L’ accusé se présente au cabinet Lawson et Brown. Les deux associés
travaillent ensemble depuis vingt ans. Jack Lawson est blanc, Henry
Brown, noir. Ils soupçonnent Charles d’avoir choisi leur cabinet
pour cette raison, d’autant plus qu’il vient de reprendre sans raison
apparente son dossier, confié à un autre cabinet très réputé. Jack
a engagé depuis peu Susan, une jeune stagiaire noire. Etrangement,
l’entretien qui s’engage entre les deux avocats et Charles, ne porte
pas sur son cas ni sur sa défense mais sur un point beaucoup plus
crucial à leurs yeux, sa couleur de peau et celle de la plaignante.
La clientèle de Charles ne les emballe pas du tout. Il est blanc,
riche et envié, trois défauts rédhibitoires pour sa défense. Mais,
Susan commet deux erreurs. Ces deux fautes, que Jack Lawson met
sur le compte de son inexpérience, les obligent à accepter une affaire
qu’ils souhaitaient refuser. Durant les heures qui suivent et avec
des opinions divergentes, dictées en fonction de leurs origines,
ils vont s’atteler non à la préparation de la défense d’un client
qu’ils doivent considérer comme innocent puisqu’il est leur client,
mais à trouver une solution pour que la plainte de la jeune femme
soit irrecevable aux yeux du jury ! Que Charles Strickland soit
coupable ou non importe peu, puisque sa couleur de peau en fait
de toute façon un coupable.
Jack Lawson finit par trouver une faille prouvant que la plaignante
a menti. Henry Brown, tout en la jugeant recevable, reste malgré
tout sur ses gardes et il a raison. Si leur appartenance à une race
dicte leur raisonnement, celle de Susan dicte ses actes…
L’écriture de la pièce de David Mamet datant de 2009, toute ressemblance
avec une autre affaire est pure coïncidence.
Si le sujet est contenu dans son titre, la victimisation est le
thème développé par l’auteur. Les blancs considèrent les noirs comme
des victimes afin de taire leur conscience coupable. Les noirs tentent
de monnayer leur statut de victimes. Jack Lawson et Henry Brown
sont les purs reflets de ce syndrome. Ils admettent la culpabilité
de leur propre client sans même chercher à l’innocenter et considère
l’innocence de la plaignante comme certaine puisqu’elle est noire.
Le travail d’adaptation, de mise en scène et d’interprétation est
d’une extrême efficacité. Conçue en trois scènes très rapides, les
dialogues fusent comme dans le scénario d’un film, telles des balles
de pingpong où chacun renvoie ses arguments, des répliques précises
et ciselées, dont les comédiens s’emparent avec un formidable talent.
La démonstration de David Mamet est révélatrice. Race est
un constat de plus sur l’utopisme que le Melting pot représente
aux Etats-Unis mais amène aussi une lourde interrogation sur le
devenir de sa société. Comédie des Champs-Elysées 8e.
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