QUE FAIRE DE MR SLOANE ?

Article publié dans la Lettre n° 345
du 29 octobre 2012


QUE FAIRE DE MR SLOANE ? de Joe Orton. Adaptation Vanasay Khamphommala. Mise en scène Michel Fau avec Charlotte de Turckheim, Gaspard Ulliel, Michel Fau, Jean-Claude Jay.
Le pavillon devait être le premier d’un lotissement mais des problèmes financiers ont fait annuler le projet. Le terrain à l’unique maison est devenu un dépotoir. Depuis la fenêtre de la salle de séjour, on aperçoit des détritus de toutes sortes. La maison elle-même a vécu de meilleurs jours. L’humidité a gagné les murs mais cela ne semble pas inquiéter Cathy. Dotée d’une bonne dose de philosophie, cette allumeuse un peu trop mûre vit là avec son daddy. Elle fait la connaissance de Mr Sloane, un étrange jeune homme d’une vingtaine d’années, à qui elle propose de louer une chambre. Pressé par la nécessité, Sloane profite de l’aubaine. Lorsque Cathy le présente à son père, celui-ci a comme une impression de déjà vu. De son côté Eddie, le frère aîné, ne voit pas d’un bon œil l’installation dans la maison de ce locataire aussi imprévu qu’imprévisible. Il n’habite pas les lieux mais y fait des apparitions régulières, même s’il ne parle plus à son père depuis vingt ans, ce qui ne facilite pas la communication. Cathy qui traîne des séquelles importantes d’un passé affectif et souffre de solitude, insiste pour garder son locataire. Elle le traite comme un fils, puis comme un amant. Ces relations ne sont pas du goût d’Eddie qui a fini par employer Sloane comme chauffeur et lui prête un intérêt croissant. À mesure que les mois s’écoulent, les relations de tout ce petit monde se compliquent, d’autant que le père a retrouvé toute sa mémoire. Dehors, la décharge s’étend, puis déborde…
Cette « tragi-comédie sulfureuse » a été écrite en 1964 par un jeune auteur de 31 ans, assassiné trois ans plus tard par son amant à qui il avait dédié la pièce ! Michel Fau choisit de conserver l’œuvre dans son époque et élabore, à partir d’une adaptation échevelée, une mise en scène non moins délirante. La décharge envahissante n’est pas sans rappeler l’univers absurde d’Eugène Ionesco. Lorsque l’on connaît Michel Fau, on imagine aisément l’exploitation qu’il fait de l’humour noir de la pièce et de la peinture grotesque des personnages. Sur-jouant à tout moment avec fougue, il est entouré par des comédiens qui rentrent à merveille dans son jeu. Charlotte de Turckheim trouve dans cette Lolita sur le retour un rôle à la mesure de son talent. Gaspard Ulliel se glisse avec une délectation non feinte dans la peau du minet mal sous tous rapports et Jean-Claude Jay est très crédible en père qui ne s’en laisse pas compter et se défend bec et ongles jusqu’à ce que mort s’en suive. Comédie des Champs-Elysées 8e.


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