PYRÉNÉES OU LE VOYAGE DE L’ÉTÉ 1843 de Victor Hugo. Adaptation et mise en scène Sylvie Blotnikas. Avec Julien Rochefort.
Vous voulez que je vous dise, moi vagabond, à vous solitaire, tout ce que j’ai fait et tout ce que j’ai vu. Soit. J’obéis. Ainsi s’amorce le récit du voyage qu’effectue, en juillet et août 1843, Victor Hugo, quadragénaire heureux en famille, épistolier compulsif surtout à l’adresse de sa fille tant chérie, Léontine. Le prétexte en est une cure dans les eaux soufrées des Pyrénées. Ce qui serait peut-être le déroulé « photographique » et fastidieux d’un long périple en malle-poste, de villes traversées en îles abordées, de haltes diverses en Pays Basque français et espagnol, devient le récit entrecoupé de réminiscences de séjours antérieurs dans l’enfance, dans cette même région. Derrière le dépouillement sans emphase du langage, Victor Hugo témoigne d’une acuité pleine de tendresse et d’humour, lorsqu’il regarde les paysages, les gens qu’il côtoie, leur accueil ou leurs superstitions, lorsque ses commentaires prennent l’ampleur d’un poème, lorsque l’anthropographie se fait prémonition des temps à venir où le voyage, en accélérant la locomotion, perdra tout le plaisir de la lenteur et de la découverte inopinée.
On se laisse porter avec bonheur dans ces évocations des petites gens, des horizons marins, de la montagne toujours. Et le rythme du récit est celui du pas de cet impénitent marcheur que fut Victor Hugo tout au long de sa vie. Julien Rochefort marche sur un plateau sans décor, s’assoit parfois, habite réellement le personnage, avec simplicité et bonheur, dans la sérénité comme dans l’émotion de la catastrophe finale.
Les voyages forment la jeunesse, dit l’aphorisme coutumier. Ce moment de grâce nous redonne une jeunesse rafraîchissante. A.D. Théâtre du Lucernaire 6e.