PUTZI
Article
publié dans la Lettre n° 52
PUTZI de Francis Huster. Mise en scène
Francis Huster avec Francis Huster, Didier Bravo, Mickael Cohen,
Bruno Guillot, Alexandra Mercouroff.
1907, allegro maestoso. Jeu magique des éclairages sur une
scène presque vide. Devant son pupitre, Mahler apostrophe ses musiciens.
Il leur parle de ce qu'il a de plus cher, son art, sa musique, puis
de l'Opéra de Vienne, cause de ses désillusions. 1910, allegro
furioso. Rencontre avec Walter Gropius, amant de sa femme, liaison
qu'il vient d'apprendre. Amour trahi, vive altercation, amers reproches.
Aout 1910, rondo burlesque, scherzo, adagietto. Gare de Leyde.
Superbe décor blanc contrastant avec les costumes noirs. Ses problèmes
prennent une autre dimension. Sa rencontre avec Freud lui dévoile
qu'ils ne proviennent pas seulement, et comme il le pensait, des
relations avec sa femme, mais de lui-même, Shaltiel Mahler,
qui a trahi sa race pour devenir Gustave Mahler. Cette découverte
ne fait qu'agrandir la plaie déjà grande ouverte par la disparition
de sa petite fille Putzi, décédée quatre ans auparavant.
Trois tableaux, cinq mouvements qui expliquent le drame vécu par
l'artiste. L'amour de la musique gâché par les déceptions et les
échecs. L'amour pour sa femme et sa fille gâchés par la trahison
de l'une et la mort de l'autre. L'amour de Dieu et son reniement
envers Lui, matérialisé par sa conversion au christianisme et son
assimililation. Cet acte l'empêche de signer la pétition des deux
disciples de Herzl (qui voulut trop tôt donner une vieille terre
neuve à son peuple) et pose une question clé: « Doit-on
trahir sa race au nom de la réussite ? ».
C'est cet aspect peu connu de la personnalité de Mahler que Francis
Huster a voulu développer. Sa pièce est construite comme une partition.
Chaque mot choisi avec soin et dépendant de l'autre, coule comme
des notes de musique pour donner des phrases au style pur et précis.
Ce n'est pas Huster par Huster pour Huster qui se donne en spectacle,
c'est plus simplement la présence d'un grand artiste qui en se glissant
dans la vie d'un autre en a endossé la personnalité. C'est Mahler
lui-même qui, avec une diction parfaite, baigné dans sa musique
dont les morceaux sont merveilleusement choisis, raconte son errance
morale, longue suite des tourments d'un homme épris d'absolu, pour
qui l'âme et la vie intérieure étaient les seules ressources valables
et qui fut éternellement déçu. C'est un immense travail et du grand
art. Théâtre Antoine 10e.
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