PUR
Article
publié dans la Lettre n° 298
PUR de Lars Norén. Traduction Katrin
Ahlgren. Mise en scène de l’auteur assisté de Amélie Wendling avec
Catherine Sauval, Alexandre Pavloff, Françoise Gillard, Christian
Cloarec.
Un couple quitte l’appartement qu’il occupe depuis des années. Dans
la pièce principale, lumineuse et claire, un grand miroir, deux
bouteilles et une photo encadrée reposent sur le sol. Un seul tableau
aux tons très pâles reste suspendu. Les rideaux blancs, anciens,
encore aux fenêtres, seront bientôt décrochés. L’espace est vide,
dépouillé de tout ornement ou agréments nécessaires à la vie quotidienne,
comme un cocon que vient de quitter le papillon. Un jeune couple
va prendre possession des lieux. Tout comme celui encore présent,
c’est son premier appartement et la jeune femme attend un enfant.
Les deux couples se croisent, l’un encore plein d’une vie passée,
l’autre engagé dans les prémices d’une vie à venir. Dans ce huis
clos feutré, à la charnière de deux époques, celle du départ et
celle de l’arrivée, il appartient aux paroles échangées, aux phrases
brèves, aux silences et aux non-dits de remonter le fil du temps
ou d’entrevoir l’avenir. Peu à peu seront distillés les joies et
les drames, les choses essentielles que l’on retient d’une vie.
Dix-sept ans plus tard, les deux couples ne font qu’un dans la douleur
d’une perte, dans l’agonie qui précède le grand départ.
Pur fait partie d’un ensemble de treize pièces très courtes,
réunies sous l’intitulé Terminal, où l’auteur explore le
temps, celui insaisissable qui gomme le passé, effleure le présent,
ignore encore le futur. C’est une pièce à trois mouvements que l’on
peut qualifier d’existentielle, où le contenu de toute une vie est
exprimé avec preque rien. Pur, c’est ce qui reste dans la
mémoire après avoir vécu. Le jeune couple représente le souvenir
que le vieux couple a de lui, c’est le même couple décalé dans le
temps. Comme l’appartement débarrassé de tout artifice, le parcours
douloureux du couple plus âgé, suggéré par un texte minimaliste,
au langage répétitif et syncopé, est libéré de ses scories, mais
en douceur. Lars Norén utilise un joli jeu de mots pour qualifier
une écriture qu’il n’a cessé de modifier jusqu’aux dernières répétitions.
Il ne s’agit pas d’un landscape (paysage) mais d’un timescape, ou
les tempos du temps sont posés comme des notes de musique, une partition
à quatre voix qui s’achève dans une danse lente, sur l’adagio du
quintette à cordes de Schubert, une écriture impressionniste appliquée
touche après touche par une mise en scène évanescente et exprimée
avec une formidable facilité par quatre comédiens fabuleux. C’est
un texte que le spectateur peut ressentir différemment selon ses
sentiments ou sa propre histoire. Là réside l’autre grand intérêt
de ce spectacle dont la création dynamique est passionnante, dans
le choix pour le public de faire le chemin avec les personnages,
de remplir la page blanche laissée à son interprétation, ou de la
laisser vide.
Ceux qui connaissent les oeuvres précédentes de Lars Norén comme
La Veillée, seront surpris par la différence de longueur
et de contenu. Avec Pur, l’auteur a évolué, il est parvenu
à autre chose. En la débarrassant du superflu, il n’en a gardé que
la quintessence. Espérons tout de même qu’il n’en sera pas de même
pour ses pièces futures comme de ses poèmes qui disparurent un beau
jour à force d’être abrégés. Nous perdrions alors un grand dramaturge
! Théâtre du Vieux-Colombier 6e. Lien
: www.comedie-francaise.fr.
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