LA
PUCE A L'OREILLE
Article
publié dans la Lettre n° 229
LA PUCE A L’OREILLE de Georges Feydeau.
Mise en scène Marcel Maréchal avec Marcel Maréchal, Philippe Escande,
Catherine Ferri et la troupe des Tréteaux de France. Théâtre
Silvia Monfort.
LA PUCE A L'OREILLE de Georges Feydeau. Mise en scène Stanislas
Nordey avec Christian Esnay, Marie Cariés, Olivier Dupuy, Laurent
Meininger. Théâtre de la Colline.
Victor-Emmanuel a tout pour être heureux.
Directeur d’une société d’assurances, il mène grand train dans son
hôtel particulier. Sa jeune femme Raymonde est charmante et ses
amis, tels le bon docteur Finache ou Romain Tournel, animent son
foyer, sans oublier son neveu Camille, sémillant jeune homme, hélas
affligé d’un défaut de prononciation handicapant les conversations,
puisqu’il ne prononce que les voyelles. Raymonde est inquiète: son
époux qui, jusqu’alors, lui avait prouvé son attachement conjugal
dans le secret de l’alcôve, est devenu particulièrement muet. Un
paquet compromettant, expédié par l’hôtel du Minet galant à Montretout,
jette Raymonde dans les tourments de la jalousie. Elle demande à
son amie Lucienne de l’aider pour pincer l’infidèle. Pauvre Victor-Emmanuel,
injustement soupçonné, il va être jeté dans un vrai cauchemar où
il rencontrera son double. Quoi de neuf? Feydeau, bien sûr! L’oeuvre
du vaudevilliste est présente toute l’année sur toutes les scènes
françaises. La Puce à l’oreille, écrite en 1907, est l’une des pièces
les plus drôles de ce dandy élégant qui savait mieux que personne
nouer une intrigue, jetant des personnages interloqués dans un imbroglio
trépidant. Deux metteurs en scène nous régalent de visions diamétralement
opposées de l’oeuvre. Marcel Maréchal a choisi de situer la pièce
dans les années cinquante reconstituées. Les décors, aux couleurs
soutenues, et les costumes, sont d’une franche gaieté. Le metteur
en scène aime le jeu des doubles. Il interprète Chantebise, le grand
bourgeois, et Poche, le valet de l’hôtel, composant avec brio un
Poche, gars un peu benêt mais non dénué de bon sens, surtout après
quelques litrons. Chantebise claque une porte, Poche saute d’une
fenêtre. Formidable comédien, il entraîne une troupe joyeuse dans
ce tourbillon irrésistible et prend un plaisir évident à jouer avec
l’excellente Catherine Ferri (Lucienne) ou Olivier Breitman (Camille).
D’une Puce à l’autre, il y a plus d’un bond à faire du théâtre Silvia
Monfort à celui de la Colline. Stanislas Nordey montant Feydeau,
est-ce un canular? Lui qui nous avait habitués à monter Gabilly,
Koltès, ou qui bouleverse les conventions de jeu avec La Dispute
de Marivaux, avec un talent incontestable d’iconoclaste! Nordey
aime les terres mouvantes du texte. Il est attiré par la mécanique
implacable du rire. Feydeau était un génie de la construction. Ce
sont le démontage et l’assemblage de ces mécanismes qui ont intéressé
Nordey. Le décor du grand salon des Chantebise est un immense rectangle
aux murs blancs où sont inscrites les didascalies, extrêmement fournies
chez l’auteur. Les costumes de couleur crue, prennent le parti de
ne ressembler à aucune époque définie. Les comédiens ânonnent le
texte, puis le joue sans effet, comme un aplat. Le deuxième acte
qui se déroule à l’hôtel du Minet galant divise les spectateurs:
tous les comédiens sont vêtus de guêpières, ces messieurs aux jambes
poilues compris. Le dernier acte où tous les protagonistes se retrouvent
chez les Chantebise est le plus intéressant. Les murs blancs, la
blouse blanche de tous les comédiens, excepté Chantebise et Poche,
sont une référence à la fin terrible de Feydeau qui mourut dément.
Les comédiens sont excellents, entraînant ce vaudeville à la lisière
de Kafka et des Marx Brothers. Le final avec des oreilles et des
puces géantes est hilarant. Les spectateurs traditionnels trouveront
un bonheur total avec Marcel Maréchal tandis que les plus aventureux
apprécieront le travail d’un Nordey provocateur. Théâtre Silvia
Montfort 15e, jusqu’au 27 juin 2004. Théâtre de la Colline
20e, jusqu’au 18 juin 2004. Lien : www.colline.fr
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