PROSPER ET GEORGE

Article publié sur Internet
entre les Lettres n°310 et 311
puis dans la Lettre 312


PROSPER ET GEORGE de Gérard Savoisien. Mise en scène Thierry Lavat avec Miren Pradier et Christophe de Mareuil.
1833, le feu et la glace, George Sand et Prosper Mérimée en plein Romantisme.
Mère inquiète, femme qui défend bec et ongles sa liberté et arbore pantalon et gilet, elle se livre follement au charme de Mérimée.
Cynique, sans entraves amoureuses, il confesse, presque avec vergogne, combien cette George l'attire et enivre ses sens.
Amours tumultueuses, sans lendemains concevables, parce qu'à trop se ressembler, on ne peut que s'affronter. Tous deux gens de lettres reconnus, ils ne concéderont jamais à l'autre une prééminence de littérateur et, au cœur de leurs véhémentes disputes, fusent les insultes les plus variées.
«
Une bourgeoise qui se donne des airs tout au plus. Un plumeau, pas une plume ! », lui lance-t-il. « Fonctionnaire vous êtes, fonctionnaire vous mourrez ! Un obscur besogneux qui noircit la page blanche ! », rétorque-t-elle…
Elle pleure de rage sur sa « vie faite de déchirures », il lui offre son grand mouchoir. « Ne change jamais », la prie-t-il avec émotion, avant de retourner à sa maîtresse Céline et à ses responsabilités de haut fonctionnaire.
Ils s'enivrent de corps et de champagne, s'entre-dévorent, rient beaucoup des savoureux portraits d'écrivains en vogue que Prosper trace avec grande verve.
S'il se montre soucieux du qu'en-dira-t-on, elle devance crânement les cancans qui traînent à son encontre.
De concert, ils mettront fin à cette brève flambée qui les prive d'eux-mêmes, en présentant cette fulgurance comme une déception sans lendemain, pour « deux cœurs qui étaient peut-être faits l'un pour l'autre ».
Gérard Savoisien « invente » cet amour dévastateur qui les a peut-être foudroyés. Et pour légitimer cette fiction si vraisemblable, il orchestre même le silence condescendant de l'un et de l'autre sur cette parenthèse inavouable et inavouée.
La mise en scène intimiste de ce huis clos enfiévré offre aux deux acteurs remarquables, Miren Pradier et Christophe de Mareuil, le champ clos de leurs ébats et de leurs déchirements. Ah, si la littérature et ses monstres sacrés pouvaient être toujours enseignés de si convaincante manière. A.D. Théâtre du Lucernaire 6e. Reprise au Théâtre La Bruyère 9e.


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