LE PROJET POUTINE
Article
publié dans la Lettre n° 396
du
2 mai 2016
LE PROJET POUTINE. Texte Hugues Leforestier. Mise en scène Jacques Décombe avec Nathalie Mann et Hugues Leforestier.
Vous êtes un dictateur, le mot est lâché. Dans le bureau du chef de l’Etat, Svetlana arrive, convoquée par celui qui lui fut très proche, qui incarne maintenant l’omnipotence, le Président Poutine. Elle est Procureure Générale, en possession de dossiers à terrible charge avec preuves à l’appui, elle jouit de la faveur populaire, comme en témoignent les vidéos médiatiques projetées en fond de scène. Si elle représente le danger de la justice en marche, le locataire – dirait-on le propriétaire ? – du Kremlin a, quant à lui, les moyens effectifs de ses menaces. Et il ne se prive pas de les distiller ou de les asséner, au cours de ces retrouvailles entre deux adversaires qui n’ont pas toujours été ennemis, loin s’en faut. Un fils si ressemblant. Dans un dialogue de coups de poing en aveux esquissés, mâtiné de tentatives de séduction et de reconquête, s’élabore la trame d’un huis clos politique et personnel, dans lequel ne pénètrent que le filigrane de la famille menacée par le dictateur ou, sur l’écran, les protestations véhémentes des manifestants, ou encore l’évocation nauséeuse des tortures perpétrées par le régime. Svetlana tangue, mais ne fléchit pas, dans la claustration que lui impose Poutine, en miroir d’une relégation sibérienne à peine interrompue par cette convocation. Svetlana s’accroche au bon droit qu’elle défend, égrène toutes les malversations de son adversaire, brandit la vindicte obstinée du TPI et des médias occidentaux. Poutine est inflexible dans la justification de ses choix politiques et son amour ressassé de la Russie, mais tangue parfois quand les amours enfuies se rappellent subrepticement au souvenir du cœur. Il joue, elle est émue, il est dur comme un roc, elle vacille, opiniâtre et loyale. Qu’en est-il de leur sincérité respective ?
Dans une joute pied à pied, mot à mot, sarcasme à persiflage, le duo Svetlana-Poutine fonctionne à merveille, les dialogues ciselés font mouche, brodés sans conteste dans une connaissance documentaire et historique.
Un ultime chantage en forme de tentation, une ultime hésitation, tout est dit par le geste à peine ébauché… Tout ? Dans un duo-duel d’une telle intensité, il serait si décevant d’avoir à entrevoir une victoire, n’est-ce pas ? A.D. Théâtre des Béliers Parisiens 18e.
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