LES
PRECIEUSES RIDICULES
Article
publié dans la Lettre n° 277
LES PRÉCIEUSES RIDICULES de Molière.
Mise en scène de Dan Jemmett avec Catherine Ferran, Catherine Hiegel,
Véronique Vella, Andrzej Seweryn, Pierre Vial, Serge Bagdassarian.
Drôle, spirituelle et intelligente sont les premiers mots qui viennent
à l’esprit pour qualifier la mise en scène et l’interpréation de
cette célèbre pièce en un acte de Molière. Le rideau écarlate bordé
d’ampoules illuminées forme le décor qui s’ouvre et se ferme sur
deux cabines d’essayage. Tout comme la musique des années 1960/1970
qui vient ponctuer les scènes et le ballet des comédiens, il est
actionné grâce à une télé commande par Marotte, la bonne, qui, entre
deux, feuillette une revue people !
La Grange et du Croisy sortent furieux de chez Gorgibus, riche bourgeois
arrivé de province et installé depuis peu à Paris. Ils viennent
d’être éconduits par Magdelon et Cathos, « deux pecques provinciales »
qui ne les ont pas jugés suffisamment à la mode. Si leur père et
oncle est indigné, il en est de même pour les deux prétendants qui
jurent de venger l’affront. La Grange qui a tout de suite vu à quelles
péronnelles il avait affaire leur envoie son valet Mascarille « une
manière de bel esprit » épris tout comme elles de vers et de galanterie.
Il fait merveille auprès des deux donzelles, séduites par le titre
de marquis qu’il avance, puis par sa tournure et son verbiage. L’arrivée
du prétendu vicomte Jodelet achève de les ravir. Mais la Grange
et du Croisy surviennent alors et dévoilent la supercherie, provoquant
l’humiliation et brisant d’un coup les rêves de grandeur.
Les Précieuses ridicules font partie de ces petites comédies
en un acte qui accompagnaient la représentation d’une tragédie.
La pièce est une charge satirique contre l’esprit précieux ridicule
de l’époque mais aussi un plaidoyer pour les femmes bridées par
une éducation et une existence imposées.
Dan Jemmett a eu l’idée de transposer la pièce à notre époque, non
pour mettre en rapport la préciosité d’hier avec celle d’aujourd’hui,
mais pour voir comment elle se manifeste dans notre société de consommation
régie par l’argent et le superflu. Sur scène, les vêtements jouent
un rôle primordial car ils sont la vitrine de la mode à suivre à
tout prix. En faisant jouer à Andrzej Seweryn et Serge Bagdassarian
les rôles des deux maîtres et des deux valets, il accentue par ce
changement de classe sociale le comique, la dérision et la déraison
de cette société où l’apparence, le langage et les fringues à la
mode priment, jetant aux orties la culture et le bon goût. « Lâchés »
sur scène, les six comédiens font merveille. Andrzej Seweryn et
Serge Bagdassarian habillés dans des costumes contemporains et avec
des accessoires délirants, sont formidables. Leur talent culmine
dans les scènes du poème chanté et du bal. Catherine Ferran et Catherine
Hiegel font une entrée fracassante dès la première scène, l’une
en bigoudis, l’autre le visage barbouillé d’un masque aux concombres.
Ils parviennent avec un art consommé à rendre contemporains les
propos de Molière, le fameux monologue « il faut qu’un amant pour
être agréable… » dit par Catherine Hiegel est à lui seul une petite
merveille. Un spectacle qui sidèrerait l’auteur lui-même ! Théâtre
du Vieux-Colombier 6e.
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