PORTRAIT
DE FAMILLE
Article
publié dans la Lettre n° 223
PORTRAIT DE FAMILLE de Denise Bonal.
Mise en scène Marion Bierry avec Chantal Neuwirth, Roland Marchisio,
Serge Noël, Benoît Giros, Naidra Ayadi, Eric Verdin, Marie Reache.
Louise change de logement au rythme des suicides de son fils Albert.
Elle vient d’emménager dans un rez-de-chaussée où s’installe tant
bien que mal sa petite famille. Armelle, sa fille, partage les frais
en occupant une chambre. Elle est enceinte de Raymond, considéré
d’un oeil critique par sa future belle-mère et chômeur chronique.
Patrick, à la recherche d’un emploi qu’il espère ne pas trouver,
fréquente Assia, une jeune arabe qui a oublié d’être bête et qui
nourrit la ferme intention de se faire épouser. Albert, enfin, le
fils chéri, n’est pas encore sorti de l’hôpital où l’a conduit une
énième tentative de mettre fin à ses jours, cette fois provoquée
par l’absorption massive d’un sirop. Les journées de Louise ne sont
pas tristes, entre ses ménages à droite et à gauche et le maintien
matériel de cette pouchinée affreuse, sale et méchante qu’elle a
élevée seule après un divorce en bonne et due forme, ce dont elle
est fière, même si son ex a disparu sans laisser ni traces ni subsides.
Distribuant à la pelle remontrances et coups de gueule, sa vie ne
lui offrant guère le loisir d’être tendre, Louise se défend d’être
pauvre: « On a du mal », souligne-t-elle, assez satisfaite de parvenir
à peu près à joindre les deux bouts. Une idée fumeuse des trois
mâles de la famille pour gagner le pactole, causée par le nouvel
emploi inespéré d’Albert à la morgue de l’hôpital, ainsi que la
gaffe pas si involontaire que cela d’un voisin en puissance de quatre
enfants, lui-même plaqué par sa femme (on la comprend), vont bouleverser
l’existence et les rapports déjà chaotiques de la petite famille.
Marion Bierry met en scène avec vigueur une pièce écrite voici vingt
ans mais qui garde toute sa saveur et son actualité. Elle exploite
très bien la remarquable construction de cette oeuvre juste et réaliste
de Denise Bonal. Le décor minimaliste mais ingénieux, dont les accessoires
sont déplacés par les comédiens à chaque tableau, au rythme du temps
qui passe, contribue à cette efficacité. Les personnages bien cernés
offrent des dialogues réjouissants, campés avec brio par des comédiens
talentueux. Chantal Neuwirth, sur laquelle repose la pièce, est
phénoménale en mama imposante. Marie Reache est fine et touchante
en fille mal aimée. Roland Marchisio irrésistible dans le rôle inénarrable
d’Albert, Benoît Giros et Eric Verdin plus vrais que nature, Serge
Noël parfait en voisin intrigant, et Naidra Ayadi, adorable, donnent
le meilleur d’eux-mêmes. Une comédie noire réjouissante, sans un
soupçon de temps mort, qui porte un regard aigu et sans concessions
sur l’une des classes de notre société. Un régal. Théâtre de
Poche-Montparnasse 6e (01.45.48.92.97).
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