PLEIN LA VUE
Article
publié dans la Lettre n° 342
du
11 juin 2012
PLEIN LA VUE de Jean Franco et Guillaume
Mélanie. Mise en scène Jean-Luc Moreau avec Véronique Genest, Philippe
Magnan, Daniel-Jean Colloredo, Grégoire Bonnet, Gabou Bokobza.
Née aveugle, pardon, non voyante, Vera a développé un autre sens,
celui de l’odorat. Elle est aujourd’hui un nez reconnu. Son aisance
financière la comble au point de porter des robes de grands couturiers
et d’acheter des œuvres de maître. Mais si son métier l’a rendue
indépendante, elle l’est beaucoup moins en ce qui concerne sa famille.
Mariée à Donald, un homme séduisant d’après les dires de son entourage,
elle ignore qu'il la trompe. Elle supporte tant bien que mal Maurice,
son père qui, depuis son veuvage, s’est installé chez elle, mais
elle ignore à quel point il a «dérapé ». Elle garde tout de même
fort serrés les cordons de sa bourse, trouvant son père et son mari
un peu trop dépensiers. Elle ignore tout autant que Maurice et Donald
ont trouvé la parade.
Le caractère bien trempé de Vera s’est affirmé au cours d’une existence
malgré tout difficile et la voici engageant Félix, son énième chauffeur,
les autres ayant été remerciés très vite! Celui-ci s’avère différent
des autres car il va se prendre d’affection pour sa patronne, voire
plus si affinités. Après avoir endossé une livrée un peu surprenante,
il prend ses marques et s’emploie à arrondir les angles. Il s'est
bien sûr aperçu que l’appartement, les tableaux et les robes que
Vera aime à lui décrire comme on les lui a dépeints, ne sont pas
tout à fait ce que, lui, a sous les yeux. Tout irait pourtant pour
le mieux dans le meilleur des mondes possibles si l’impossible et
l’impensable ne survenaient : une opération miracle faite aux Etats-Unis
lui rend la vue. En lui choisissant ce prénom, son père était loin
de se douter de sa connotation prémonitoire ! Après avoir prétexté
un congrès aux Etats-Unis, Vera rentre chez elle un peu plus tôt
que prévu, ravie de dévoiler à ses deux hommes la fantastique nouvelle.
Félix se ronge les sangs à la perspective du désastre qui couve
et va immanquablement plonger sa patronne bien aimée dans le plus
grand désarroi...
Jean Franco et Guillaume Mélanie ont concocté là une de ces pièces
où l’action et les rebondissements sont aussi nombreux que les jeux
de mots. Cette comédie bien troussée est mise en scène avec vivacité
et jouée avec enthousiasme par des comédiens tordants. Les costumes
très recherchés, au sens propre comme au figuré, apportent
une touche comique non négligeable. Ils sont la cerise sur un gâteau
à déguster sans modération. Théâtre de la Michodière 2e.
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