LE PHILOSOPHE ET LA PUTAIN
Article
publié exclusivement sur Internet avec la Lettre n°
385
du 21
septembre 2015
LE PHILOSOPHE ET LA PUTAIN de Jacques
Rampal. Mise en scène Elsa Royer avec François Chodat, Pierre-Yves
Desmonceaux, Anne Jacquemin, Alain Leclerc, Christian Pélissier,
Françoise Pinkwasser, Yann Sundberg.
Diogène, bouffon truculent et impertinent, n’entend pas se laisser
dicter quelque conduite que ce soit, dans ses sentiments ou dans
son mode de vie. Même si la belle Hariola aimerait entendre l’aveu
d’un amour qu’il retient farouchement, même si Platon et autres
acolytes de la philosophie prétendraient volontiers le confronter
à ses propres contradictions. Eh oui, il l’aime, la divine Hariola,
et le lui avouera enfin dans la sérénité accueillie de l’entrée
en au-delà. Eh oui, Socrate n’a pas cessé d’être son véritable maître,
même s’il refuse d’en être le porteur de parole ici-bas, avant de
se réjouir de leurs retrouvailles éternelles. Et ce n’est pas mince
affaire de résister à ces sirènes…
Dans le décor épuré d’une jetée portuaire en noir et blanc, que
côtoie l’intangible tonneau surmonté d’un Zeus canin réjouissant,
Diogène décline en deux temps trois décennies d’une vie de liberté
jalousement défendue, payée au prix fort d’un dénuement au-delà
de l’ascèse. Mais l’eau est fraîche à qui s’enivre de facétie, et
bedaine vide peut encore se gaver de calembredaines. Un fou plein
de bon sens, bouffon qui a le courage de son rire et de celui
qu’il offre au malheur des hommes. Quitte à être d’une insigne mauvaise
foi politique, quand on évoque Sparte, quitte à narguer le grand
Alexandre lui-même quand le bronzage est en péril… Quitte surtout
à refouler l’élan qui le pousse vers cette ambiguë coureuse de pavé
qu’est Hariola.
Joyeux paillards, philosophes pontifiants, divinité en pseudo, roi
en mal de toute-puissance, cette troupe se mêle et s’emmêle, face
à un Diogène jubilatoire et provocateur jusqu’à l’ultime panache.
Grognons ou saltimbanques, chanteurs et poètes, ils nous convient
à un festin de bons mots tissés d’anachronismes et de clins d’œil.
Tiens, Nietsche, Pascal et Spinoza sont de ce banquet de l’intelligence,
où derrière la gouaille se déroule le filigrane d’un humanisme intemporel.
Car comment mieux regarder le présent qu’en convoquant la haute
couleur des figures antiques ?
Ah, qu’en bel alexandrin cette insolence-là est dite ! Surtout quand
le plaisir de jouer est si manifeste et dédié à un théâtre subtil,
qui rendrait la philosophie enfin accessible à tous dans la joie
et la pertinence. A décréter de salubrité publique. A.D. Théâtre
13 Seine 13e.
Retour
à l'index des pièces de théâtre
Nota:
pour revenir à « Spectacles Sélection »
utiliser la flèche « retour » de votre navigateur
|