PETITS
CRIMES CONJUGAUX
Article
publié dans la Lettre n° 218
PETITS CRIMES CONJUGAUX de Eric-Emmanuel
Schmitt. Mise en scène Bernard Murat avec Bernard Giraudeau, Charlotte
Rampling.
Lisa pousse la porte de l’appartement et éclaire la pièce d’un air
engageant. Gilles reste sur le seuil, un sac de voyage à la main.
Il hésite à pénétrer dans ce lieu dont il ne garde aucun souvenir.
Le rez-de-chausseé du dupleix s’offre à lui: l'entrée spacieuse,
l’escalier encombré de livres, les murs anciens et les baies vitrées
appartiennent à ces appartements parisiens anciens sous les toits.
Les bibliothèques pleines à craquer et poussiéreuses, les deux bureaux
en désordre, les meubles sans style et banals contrastent avec les
tableaux qui attirent tout de suite le regard, de très jolies toiles
qui égayent les murs. Le décor parfait d’un écrivain et peintre
à ses heures lui souffle-t--elle, mais est-ce bien vrai? Rien,
aucun souvenir, depuis l’accident qui l’a rendu amnésique deux semaines
auparavant. Gilles considère Lisa, agréablement troublé par cette
femme qui illumine les lieux de son sourire et lui assure être sa
femme. Elle le met à l’aise et l’invite à s’asseoir dans son fauteuil
au ressort agressif. Il interroge:« Qui suis-je? » Un mari presque
parfait depuis 15 ans de mariage répond-t-elle. Mais sous cette
assurance tranquille, percent des hésitations et comme une douleur
cachée. Gilles écrit des romans policiers qui l’ont rendu célèbre.
Le dernier, Petits crimes conjugaux, est celui qu’il préfère.
Lisa est d’un avis contraire. Elle déteste ce roman, qui dénigre
la vie de couple à laquelle elle attache tant d’importance. Ce roman
est au centre du drame qui s’est noué dans cette salle de séjour.
Si Gilles veut renouer avec sa vie et sauver son couple, c’est par
là qu’il doit chercher.
Le texte est brillant, plein d’humour lorsqu’il disserte sur les
théories de Gilles, de tendresse lorsqu’il parle d’amour, d’intelligence
et de perspicacité lorsqu’il étudie les rapports difficiles d’un
couple uni depuis longtemps. Eric-Emmanuel Schmitt parle avec subtilité
des relations amoureuses, sujet récurrent dans toute son oeuvre,
et de l’art d’aimer.
Bernard Giraudeau et Charlotte Rampling s’approprient d’autant mieux
ce texte qu’il a été écrit pour eux. Une mise en scène discrète
suffit à les guider. Ils sont cet homme et cette femme déjà mûrs
qui n’échappent pas à l’usure de quinze années de vie commune et
que seuls peuvent sauver du naufrage, l’intelligence et l’amour
qu’ils ressentent encore l’un pour l’autre. Le mélange entre intrigue
amoureuse et policière est savant. L’un est la colonne vertébrale
de l’oeuvre, l’autre crée les rebondissements et évite surtout le
mélo. L’alliance est parfaite. Théâtre Edouard VII 9e (01.47.42.59.92)
(Lettre 218).
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