LA PETITE-FILLE DE MONSIEUR
LINH
Article
publié dans la Lettre n° 348
du
31 décembre 2012
LA PETITE-FILLE DE MONSIEUR LINH d’après
le roman de Philippe Claudel. Adaptation et interprétation Sylvie
Dorliat. Mise en scène Célia Nogues.
Un pays en guerre, une bombe qui dévaste une rizière, un vieil homme
sur un bateau en partance pour un pays d’exil. Une petite valise
en carton bouilli posée à ses pieds, Monsieur Linh serre dans ses
bras Sang-Diu, un nourrisson emmailloté. Pour sa petite-fille, il
a décidé de quitter à jamais sa patrie où, avant l’enfer, le vent
jouait avec les pousses de riz, où le pas lent des buffles rythmait
celui des hommes affairés aux travaux des champs. Avec l’enfant,
il emporte ses souvenirs, les odeurs qui flottaient dans l’air humide
et chaud, une poignée de terre et une photo jaunie. La petite a
douze semaines lorsqu’il pose enfin le pied sur le quai d’un port.
Lui « a l’impression d’avoir vieilli d’un siècle ». Il grelotte
mais s’habitue peu à peu à ce pays occidental et c’est alors qu’il
fait une rencontre. M. Bark et lui ne parlent pas la même langue
mais la langue du cœur suffit, celle d’une cigarette offerte, d’une
main posée sur une épaule, d’un verre ou d’un repas partagés, celle
d’une promenade à la mer qui lui restitue enfin des parfums, celui
du sel, des algues et de l’eau. En sa compagnie, M. Linh pourrait
retrouver le goût de vivre avec Sang-Diu, un prénom qui signifie
« matin doux ».
Il est toujours délicat de voir représenté sur scène l’adaptation
d’un roman que l’on a aimé et qui reste ancré dans la mémoire malgré
le passage du temps et celui d’une myriade d’autres lectures. Trois
pans de tissu léger, propices aux ombres chinoises, une petite cage
ou vacille la flamme d’une bougie et un banc suffisent à Célia Nogues
pour mettre en scène ce conte douloureux de Philippe Claudel et
à Sylvie Dorliat pour en restituer les mots. Très mobile, la voix
juste, cette excellente comédienne est tout à la fois, le vieil
homme, son ami, l’entourage. Elle passe de l’un à l’autre avec une
belle spontanéité. Qu’il ait lu le livre ou qu’il le découvre, le
spectateur attentif boit ses paroles et se plonge dans l’atmosphère
si particulière du texte, bercé, ému, secoué par l’histoire si dense,
au dénouement si triste. C’est un beau travail que nous offrent
là Sylvie Dorliat et Célia Nogues, un moment singulier à ne pas
manquer. A La Folie Théâtre 11e.
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