PEER GYNT
Article
publié dans la Lettre n° 341
du
21 mai 2012
PEER GYNT de Henrik Ibsen. Texte français
François Regnault. Mise en scène et scénographie Éric Ruf avec vingt-quatre
comédiens et musiciens dont Catherine Samie, Catherine Salviat,
Claude Mathieu, Michel Favory, Éric Génovèse, Florence Viala, Serge
Bagdassarian, Hervé Pierre, Bakary Sangaré, Stéphane Varupenne,
Gilles David, Suliane Brahim, Nâzim Boudjenah, Jérémy Lopez, Adeline
d’Hermy.
Henrik Ibsen était exilé en Italie lorsqu’il écrivit Peer Gynt,
s’inspirant des contes populaires de son pays. Puis il demanda à
Edvard Grieg de composer la musique de scène. L’œuvre rencontra
un immense succès lors de sa création, malgré les difficultés que
posait sa conception, un « voyage au long cours » où tragique, comique,
grotesque se côtoient dans une multiplicité de décors et sur différentes
époques. Peer Gynt est l’histoire d’un homme, méprisé par
ses voisins, obligé de fuir son village pour avoir déshonoré une
jeune fille le soir de ses noces. Il va alors vivre de multiples
aventures, endosser divers « costumes »: marginal, riche capitaliste,
prophète. Durant toutes ces années, il croise une foule de personnages
d’horizons complètement différents mais qui tous abordent la même
question: « Qu’est-ce qu’être soi-même » ? La question de l’identité
est au cœur de ce conte initiatique, véritable fresque sociale.
Peer Gynt traversera les époques, les continents, et au soir de
sa vie, de retour au pays, il comprendra ce qu’est, en définitive,
l’existence.
Pour mettre en scène ce monument, Éric Ruf a installé l’équipe de
la vénérable maison dans le salon d’honneur du Grand Palais, immense
espace tout en longueur, propice au gigantisme de l’œuvre. Sa mise
en scène inventive et foisonnante suggère village, campagne, continent
Africain, bateau, grâce à une draisine placée sur des rails, aux
décors suggérés et aux savants éclairages. Peer Gynt est un personnage
aux multiples facettes, un rôle écrasant pour Hervé Pierre qui,
magistral, survole trois périodes de la vie de son personnage. Une
partie de la troupe du français l’accompagne dans cette odyssée,
maquillés et coiffés avec extravagance, tous parés de costumes,
réalisés par Christian Lacroix, fastueux ou rustiques, aussi divers
qu’originaux.
Certaines pièces au sujet sans intérêt, dotées d’une mise en scène
sans relief ou jouées par des comédiens inconsistants, laissent
un souvenir calamiteux. Il est des représentations d’une heure et
demie dont on ne voit pas la fin. D’autres laissent un souvenir
impérissable, de par leur sujet, l’originalité de la mise en scène,
le tour de force de l’interprétation. Peer Gynt en est le
parfait exemple. Cette œuvre, ainsi proposée, laisse le spectateur
ébaubi par tant d’imagination, de savoir-faire et de talent conjugués,
talent d’avoir su représenter l’imprésentable durant presque cinq
heures qui ne passent pas comme le vent de l’oubli mais, comme un
tourbillon mémorable, soufflant sur le cœur et l’esprit. Comédie
Française au Salon d’Honneur du Grand Palais 8e.
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