LA PEAU DU PERSONNAGE

Article publié dans la Lettre n° 220


LA PEAU DU PERSONNAGE de Phillip Craig. Mise en scène Gérard Hernandez avec Patrick Guillemin.
Le public attend dans le théâtre. Sur scène, une table juponnée de velours cramoisi avec une carafe et un verre d’eau. Tout est prêt pour le conférencier. Des bruits de sirène, des éclats de voix policières, puis le silence. Un homme surgit de sous la table. L’homme traqué se confie au public médusé. Sador Kronski n’est pas un évadé comme les autres. Il est un personnage de fiction en fuite d’un mauvais roman en cours d’écriture par l’infâme Jules Jérôme Barbarin. Les auteurs n’inventent pas leurs personnages. Ils les kidnappent dans un monde parallèle, les implantant contre leur gré dans les livres. Ces êtres sans scrupules, les romanciers, sont de vrais négriers. Sador Kronski s’insurge contre cette dictature. Ainsi, son amie Madeleine, jeune accouchée, qui perd son bébé car il est propulsé dans un livre. Et les Thénardier, des gens charmants. A bas les auteurs! A bas les conditions de détention romanesques. Sador réagit violemment, il s’énerve très vite. Dans sa fuite, il rencontre des « personnages réels» de l’autre monde. Ils sont étranges, du professeur Ravenstein, l’éminent psychiatre à madame Grafeville, la bibliothécaire de la Grande Bibliothèque Universelle et Temporelle ou bien l’inquiétant Anatoli. Sador est pourchassé par l’A.P.C, la police culturelle et son dangereux chef aux lunettes noires. Mais, Qui est Sador? un fou, un meurtrier ou la victime d’un plumitif?
Ce spectacle est né de la rencontre de Patrick Guillemin, las des étiquettes qu’on lui colle au dos, et de Phillip Craig. Le comédien a demandé à l’auteur de transformer sa nouvelle en pièce de théâtre. Cet essai est une pleine réussite. Ce récit surréaliste est fascinant, tant pour son originalité que par la qualité du texte. Gérard Hernandez, qui a mis en scène Arrabal, était le complice idéal. Patrick Guillemin a pris le parti d’interpréter tous les rôles. Avec une maestria étourdissante, il passe du loubard à la vieille fille. Il endosse toutes les peaux de ses personnages avec un égal bonheur. Son regard bleu acier, enjôleur ou terrifiant, nous entraîne dans un univers décalé. Ce spectacle enthousiasmera tous les amoureux de la littérature, de la bande dessinée et du fantastique, dont le seul défaut est une immense qualité: il semble court. Sentier des Halles 2e.


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