PARLE-MOI D'AMOUR

Article publié dans la Lettre n° 291

« PARLE-MOI D’AMOUR ! » de Philippe Claudel. Mise en scène Michel Fagadau avec Michel Leeb, Caroline Silhol.
« Parle-moi d’amour, dis-moi des choses tendres...». Ce furent en leur temps et au pronom près les paroles d’une très jolie chanson mais la première pièce de Philippe Claudel pourrait plutôt titrer « Parle moi d’amour et dis-moi des vacheries » puisque nous assistons à une scène de ménage de 1h20… Il est minuit. Un couple à la cinquantaine flamboyante revient d’un dîner qui va déclencher une joute oratoire où tous les mauvais coups sont permis. Un duel à fleuret non moucheté, trempé dans du cyanure. Tout est passé au crible. De la belle-mère au chat, de la santé de l’homme aux enfants, de la gauche caviar à la droite rillettes! Duel sanglant, le réquisitoire est sans appel.
De l’auteur des romans Les âmes grises et Le Rapport Brodeck, on ne s’attendait pas à une comédie aussi enlevée. Philippe Claudel plante un décor, des personnages issus de la planète Bobo. Lui est un grand commis de l’état. Il est depuis peu un membre de la Nicolas’ Connection. Elle est une professionnelle des courses de luxe. Ils n’ont pas de retenue et les quatre vérités qu’ils s’envoient à la figure, comme autant de flèches, seraient pour beaucoup d’entre nous rédhibitoires. Le dialogue est fulgurant sans toutefois échapper à quelques facilités dans l’exagération. Mais l’échange est vif, un match de ping-pong olympique, joué par deux athlètes des coups bas. Philippe Claudel a un verbe brillant dont l’élégance fait ressortir la vivacité de ces échanges. Première pièce, premier triomphe. Les comédiens vont adorer Philippe Claudel. Des dialogues de cette qualité sont rares. Caroline Silhol, femme jusqu’au bout des doigts, est l’incarnation de la parisienne. Michel Leeb, très séduisant, s’en donne à cœur joie dans ce rôle de grand fat qui manie la muflerie comme un art. Ils forment le couple de l’année. Ils vont si bien ensemble, leur accord dans les désaccords est proprement jubilatoire. Comédie des Champs-Elysées 8e.

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