LA PAIX

Article publié dans la Lettre n° 200


LA PAIX! de Aristophane. Mise en scène et adaptation Stéphanie Tesson. Traduction Malika Hammou. Scénographie Chloé Fabre avec Florence Cabaret, Licinio Da Silva, Céline Larrigaldie, Jean-Christophe Lecomte, Maxime Lombard, Laurent Maurel, Jean-Philippe Monjot, Bruno Paviot.
Aristophane (445-385), maître athénien de la comédie, n’a que vingt ans lorsqu’il concourt avec succès aux fêtes théâtrales de son époque avec Les Acharniens puis, La Paix, quatre ans plus tard. La Paix, pièce présentée au Théâtre 13, se compose de la pièce originale Les Acharniens et d’un morceau de La Paix. La première est davantage orientée sur la farce, la seconde est plus onirique et fantaisiste. Si les deux pièces se complètent, l’adaptation a fait des héros de chacune un unique personnage: Dikéopolis.
Dikéopolis, « le juste dans la cité » en grec ancien, est las d’entendre les politiciens promettre la paix lorsqu’il ne règne que la guerre. Ne parvenant pas à avoir raison de ses voisins, il décide d’aller quérir la paix pour lui seul et les siens et revient avec une trêve de trente ans. Mais il ne s’en contente pas et entreprend d’aller la chercher là où elle se trouve, au ciel avec les Dieux, juché sur un étrange animal, le Merdophage (trouvaille géniale de traduction pour qualifier le Pégase de Trygée) ...
Stéphanie Tesson, malgré sa trentaine, possède un C.V à faire pâlir d’envie plus d’un artiste, un universitaire ou un journaliste. Mais elle possède surtout ces dons innés, une capacité d’émerveillement et des trésors d’imagination, qui aiguillonnent son formidable talent pour donner l’illusion à ses mises en scène, au prix de bricolages époustouflants et insensés d’une apparente simplicité. Le choix de monter une oeuvre d’Aristophane est dans l’ordre des choses: elle possède la même jeunesse d’esprit, la même vitalité et une dualité enfant-adulte qui caractérisent l’auteur. Toutes ces qualités se retrouvent dans sa mise en scène imaginative et dynamique et dans une disposition scénique d’une étonnante créativité. On pouvait imaginer que la traduction du grec ancien est le domaine réservé d’hellénistes sérieux, à la langue châtiée, au style très écrit. La traduction de Malika Hammou enchante et surprend car elle réunit avec une rare spontanéité langage parlé et théâtral grâce à un texte réactualisé, des transpositions pour le moins truculentes et directes, une verdeur de langage agrémenté de jeux de mots dont Aristophane avait l’habitude d’entrelarder ses pièces et qui restituent sans doute au plus près son discours et son style. Les comédiens eux aussi sidèrent. Rompus à tous les genres, mime, marionnettes, acrobaties, pantomimes, comédie, ils sont époustouflants, Maxime Lombard (Dikéopolis) en tête, mais lorsqu’on se souvient qu’il a fréquenté Philippe Caubère, Ariane Mnouchkine et Jérôme Savary, on ne s’étonne plus!
Le théâtre de la Grèce antique représente pour le public les grandes tragédies, les drames, la pensée profonde. En le désacralisant avec Aristophane, c’est l’humour, la sincérité, la paillardise, la gaieté de l’auteur qu’ils nous offrent ainsi que son comique, voire sa satire politique, en un mot « un théâtre de la liberté ». Théâtre 13 13e.


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