OROONOKO, le prince esclave

Article publié exclusivement sur Interrnet avec la Lettre n° 360
du 18 novembre 2013


OROONOKO, le prince esclave d'après le roman d'Aphra Behn. Adaptation et mise en scène Aline César avec Caterina Barone, Kayije Kagame, Mexianu Medenou, Stanislas Siwiorek, Dramane Dembele (flûtes, ngoni, kora).
Qui mieux qu'Aphra Behn pouvait raconter les aventures tragiques d'un Spartacus africain ? Pour avoir rencontré Oroonoko lors de son séjour au Surinam, cette romancière anglaise de la fin du 17e siècle fait le procès de l'esclavage dont fut victime le jeune prince africain. Valeureux guerrier, cultivé et chevaleresque, il fut trahi par son propre grand-père, dont il dérangeait les appétits libidineux sur l'objet de son fol amour, Imoinda. Vendu et exilé au Surinam, il y retrouve avec bonheur sa belle princesse qu'il croyait morte, mais elle devient bientôt enceinte. Impossible pour celui qu'on appelle désormais César de concevoir l'enfant à naître comme esclave. Et César se fait Spartacus, de révolte collective en fuite éperdue et désespérée avec Imoinda, au cœur de la forêt amazonienne. Ils y nouent des relations étonnées avec les Indiens, au-delà des barrières linguistiques. Mais la trahison guette encore et le double dénouement sera sanglant.
Le spectacle se fonde sur le récit d'Aphra Behn, à la fois narratrice et actrice de sa propre expérience, entre passé et présent entremêlés. Comme une tragédie antique, avec chœur, actions et commentaires sur la félonie, la folie, la cruauté des édiles, la sauvagerie des tortures et des exécutions. Sur le filigrane de l'Angleterre régicide, cette parole baroque porte un réquisitoire contre les esclavagistes, qui dépossèdent sans vergogne de leur identité même les prince et princesse captifs et leur appliquent des traitements singulièrement civilisés.
Quatre acteurs, tous excellents, entrelacent les époques, les personnages et les lieux, la voix de la narratrice et celle d'Oroonoko, entre épisodes dialogués et chorégraphies, de l'Afrique au Surinam, dans la colonie anglaise, à la cour du grand-père fourbe, au cœur de la forêt indienne. Le flux est sans rupture et rythmé dans la diversité des musiques jouées sur instruments africains.
On sort ébranlé de ce procès d'une liberté d'esprit étonnamment moderne qui évite les pièges des bons sentiments.
Cendres corps et sang jetés aux quatre coins du mondeThéâtre Le Grand Parquet 18e. A.D.


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