L’OR
Article
publié dans la Lettre n° 338
du
19 mars 2012
L’OR de Blaise Cendrars. Adaptation
et mise en scène Xavier Simonin avec Xavier Simonin et Jean-Jacques
Milteau (harmonicas).
Et voici comment Johann August Suter conquit la Californie…
Personnage tout ce qu’il y a de plus historique et haut en couleurs,
ce Suisse laisse en plan son épouse et leurs quatre enfants et s’embarque
pour le Nouveau Monde en 1834. La traversée des Etats-Unis lui offre
moult aventures et non moins de dangers à affronter. Après un détour
par Honolulu où il noue des alliances commerciales, il atteint une
Californie encore épargnée par l’afflux des migrants du Far West.
Doué d’un indéniable talent de défricheur et d’homme d’affaires,
il négocie avec le gouverneur mexicain et fait fortune avec sa Nouvelle
Helvétie. Tout serait idyllique si, en 1848, on ne découvrait
malencontreusement une pépite d’or sur ses terres. Les orpailleurs
s’abattent en myriades sur le domaine enchanteur, qui est dévasté
par cette nuée de sauterelles, et rien ne demeurera de l’immense
fortune accumulée. Suter entreprend alors de faire valoir ses droits
sur cette faramineuse richesse née de ses terres. Dans un long procès
de David contre Goliath, il réclame et obtient que justice lui soit
rendue… En théorie, certes, mais comment imaginer que le gouvernement
américain honore une telle dette ? Grandeur et décadence…
Blaise Cendrars, lui-même bourlingueur fasciné par cette aventure,
en a fait un roman très véridique. Xavier Simonin s’empare de ce
récit haletant et brosse avec une verve, une diversité et un brio
exceptionnels, cette grande fresque des vastes conquêtes et de leurs
revers. Pour rendre palpable la langue jazzy de Cendrars,
il raconte en duo avec Jean-Jacques Milteau. Harmonicas divers,
gobelet et broc en alu, tout est prétexte au jubilatoire harmoniciste
pour donner une couleur inimitable à ces chevauchées de grands espaces,
à ce destin hors normes. Parole et musique s’entrelacent, s’embrassent,
se caressent. Ah, la douceur du soir qui descend sur les rives du
Mississipi, les ciels infiniment bleus des Rocheuses, le cœur qui
bat à l’orée de la Terre Promise, la douleur qui plombe les rêves
de Suter, le grand élan de la mort qui suspend le dernier geste…
Le cœur du public bat aussi à l’unisson de cette crue de mots, lyriques
et si évocateurs. Et on s’ébroue dans un sourire heureux, quand
le fleuve s’éloigne en laissant le spectateur, déjà nostalgique,
sur sa rive. A voir absolument, aucune excuse ne sera admise. Théâtre
La Bruyère 9e. A.D.
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